Avant la course
En fait j’étais pas si prêt que ça. Toujours en quête d’amélioration, je reprends les erreurs des courses précédentes, et j’essaie tant bien que mal de les corriger à ma façon. Je dis ma façon parce que c’est pas forcément la façon « by the book » celle qui fait l’unanimité mais c’est la mienne et tant pis si c’est pas la bonne, au pire ça fera toujours du grain à moudre pour encore m’améliorer la prochaine fois. Du peu d’expérience que j’ai et à la lectures d’autres retours d’expériences (surtout d’une personne, ceux qui me connaissent savent de qui je parle), j’ai l’impression qu’on a tous notre façon de fonctionner, de récupérer, de gérer la douleur, le mental etc… Certains peuvent enquiller deux ultras en 2 semaines, d’autres ont besoin de 3 semaines pour se remettre d’un Marathon. Chacun sa façon, chacun son niveau. Moi j’essaie de trouver mon équilibre dans le « feeling » j’y vais à la sensation. Si là je peux courir, je cours, si je sens que c’est too much pour mon corps je prends sur moi et je reporte.
J’ai essayé dernièrement de me caler sur un rythme de 80 kilomètres par semaine depuis l’Ultra Marin et tout va pour le mieux, aucune douleur. Depuis ce trail, j’ai envie d’aller à la montagne, courir dans de grands espaces, m’amuser dans des bonnes grosses descentes et en m’entrainant sur les quais je croise une connaissance qui me parle de la 6000D. Ah tiens c’est vrai ça j’ai entendu parler de cette course en plus je connais bien c’est à La Plagne (enfin je connais bien… j’y suis allé 3 fois quoi) et puis ça peut être sympa de voir la station en été… il m’en faut pas plus pour m’inceptionner le cerveau. Je me tâte pas mal de temps, mais plus je me tâte, plus l’idée persiste dans ma tête. J’ai l’impression que Mr Cobb est passé par là et que le talent a fait le reste, encore une fois. Il me reste maintenant à savoir quel format je vais faire. Il y a la 6000D, qui fait 67 kilomètres (3000D+/3000D- => 6000D), mais qui monte tellement haut (plus de 3000 mètres) qu’il faut des crampons dans son sac obligatoirement et j’en ai pas, et j’ai pas envie de encore rajouter des frais. Juste en dessous il y a la version Marathon, 42 kilomètres, 2000D+/2000D-, ça monte moins haut, « juste » à 2364 mètres d’altitude. Ça fait la moitié de mon entrainement de la semaine ça suffira amplement.
Bref quelques jours plus tard, le mal est fait je suis inscrit. Et maintenant qu’on est inscrit, on peut commencer à réfléchir à la logistique. Que du bon sens. En fait non c’est justement à l’envers, fallait d’abord penser à la logistique parce que la course commence à 6h du matin le samedi. Les hôtels à La Plagne c’est super cher, surtout pour se lever à 4h du matin (faut compter au minimum 70 euros la nuit). Bon vu qu’il faut assumer jusqu’au bout, tant pis, je poste un covoiturage dans le doute à 2h du mat le samedi matin. Il y a 2h40 de voiture, ça laisse juste le temps d’arriver, récupérer les dossards et participer à la course. Je me rends compte ensuite qu’il y a en fait un hôtel qui propose des dortoirs, ce qui me parait bien plus raisonnable en terme de prix et de fatigue. L’hôtel en question est le ho36 que je conseille vivement.
L’esprit serein, la logistique gérée, je peux reprendre mon entrainement habituel. Mes petits semis. Tout se passe pour le mieux jusqu’à dimanche soir, 13 jours avant la course. Il est 21h, tiens si j’allais me faire un semi. Non, trop simple. Trop normal, trop rationnel, non si j’allais me faire semi plus rapidement que j’ai jamais couru un semi. Bonne idée non ? En plus comme je l’ai jamais fait, c’est facile de prévoir comment le corps va réagir. Puis comme j’ai une course 13 jours plus tard c’est bien le meilleur moment de le faire. Allez il m’en faut pas plus pour me convaincre, on est parti je me sens à l’aise, je commence mes tours du parc de la Tête d’Or classique, je me fais jeter pas la police à 22h20 parce que ça ferme, pas cool ça fait perdre le rythme, faut sortir du parc, traverser des routes mais bon, ça passe 1h29 je suis content. Content mais quand même ça fait un peu mal au mollet. Tellement traumatisé par mes anciennes tendinites à répétition que j’ai tendance à royalement m’en taper quand je sens que la douleur est musculaire; ça va passer ! La semaine suivante ça m’empêche pas de continuer mes semis j’en ferai presque 4. Presque parce-que dans la semaine je me suis battu sur un petit trail dans les ronces, j’ai du raccourcir le parcours parce que RIP mon short (je suis encore un peu énervé de cette histoire). C’est bien 4 semis, ça remplis mon objectif de 80 kilomètres sauf que le dernier qui sera le dimanche 6 jours avant la course me défonce définitivement le mollet gauche que j’avais déjà bien entamé une semaine auparavant. Le diagnostique tombe, contracture au mollet. Franchement je peux à peine marcher normalement, je boite pas mal. Les descentes de Croix Rousse le matin pour aller au bureau sont assez douloureuses. J’enchaine les séances de kiné qui me masse le mollet, ça me fait une douleur atroce, je crie, mon kiné se fout de ma gueule, bonne ambiance quoi. Les jours passent mais la douleur même si elle est de moins en moins vive est toujours très présente. Le vendredi à 1 jour de la course j’ai mon ultime séance de kiné. Je crie toujours, il rigole toujours dans ma tête j’me dis que ça va quand même être chaud cette 6000D Marathon….
La veille de la course
On est vendredi soir, je sors du bureau, je rentre pour récupérer la 307 GTI Sport option poils de chien et porte qui grince, let’s go direction La Plagne. J’oublis absolument tout ce qui concerne Lyon et le taff. Dans ma tête maintenant c’est la montagne, les paysages, l’ambiance qu’il va y avoir, la course bref je suis déjà dans mon monde que je ne suis même pas encore arrivé. Pour autant je n’attends absolument rien de cette course. Après la gifle de l’Ultra Marin qui était vraiment difficile à encaisser j’ai juste envie de me faire plaisir. Je ne regarde pas le temps que les autres ont fait (faut dire que c’est la 1ière édition de la version Marathon, comme ça au moins c’est réglé), je n’estime même pas le temps que je vais mettre et en vrai j’en ai rien à foutre. Une chose est sûr, je vais me faire plaisir. Mais surtout, SURTOUT, cette fois ci, la ligne, je vais la franchir. Si il faut marcher, si il faut ramper je passerai la ligne peu importe la manière.
On arrive enfin, pas besoin de préciser que les paysages sont sublimes je les vois et j’me dis que ça va être mon terrain de jeu. J’ai hâte.
Pour la suite je fais un petit aparté sur comment est foutu La Plagne géographiquement.
En fait « La Plagne » ce n’est pas une ville. La Plagne est une station de sport d’hiver. Tignes par exemple c’est aussi une station, mais c’est surtout une commune. Quand on va à La Plagne au bout d’un moment on arrive, on voit le logo de la station partout « Bienvenu à La Plagne ! » Waouw mais c’est super on est arrivé ! Non on se calme on est pas du tout arrivé, on est à Aime, plus communément appelé Aime - La Plagne où il y a une gare. Une fois ici, il reste 30/40min de voiture pour monter dans les différentes « stations villages » Notamment la Belle-Plagne, Plagne Bellecôte, Plagne Aime 2000... c’est ici qu’on fait du ski.
J’ai fait cette aparté pour vous faire comprendre ce qu’il s’est passé dans ma tête quand on m’a dit que en fait la départ de la 6000D et la 6000D Marathon c’était non pas dans les stations villages, mais à Aime, à côté de la gare et que le point culminant était l’arrivée du télésiège Les Blanchets. Outre le fait que c’est hyper chiant parce notre hôtel est loin du départ et que ça me fait faire de la route avant de commencer la course, ça me rappelle les fois où je suis venu skier l’hiver. Arriver à Aime, récupérer les gens à la gare et ensuite prendre DES HEURES pour monter aux stations, dans la neige parce que 30/40 minutes pour monter c’est en été quand il n'y a personne et que c’est tout sec, mais en hiver c’est la galère ultime, mais c’est ça que j’ai retenu. Ensuite une fois dans les stations, on reste encore « en bas » dans le sens où c’est le départ des pistes de ski, il faut encore prendre des remontés mécaniques pour aller en haut. Là j’me dis que donc demain, je vais devoir faire à pied ce que je fais habituellement en voiture + en remontée mécaniques d’une seule traite. Honnêtement avant d’arriver j’étais serein, maintenant j’ai une légère appréhension.
Bref, on arrive dans le dortoir on est 4 en tout, on pose les affaires, on discute un peu avec les autres occupants, forcement ce sont des coureurs, un fait la même course que moi. Ensuite le temps de manger, et aller au lit ça fait un coucher vers 23h, pour un levé à 4h du mat. La nuit va être courte…
La course
4h du mat, le réveil sonne. J’ai carrément mal dormi dans le dortoir, j’avais chaud, j’ai pas arrêté de me réveiller j’ai l’impression d’avoir jamais réellement dormi profondément. Point positif, personne n’a ronflé c’est déjà ça. Je sors du lit je vais me préparer mon shaker de Feed comme d’habitude 2h avant une course, je me prépare. J’ai encore oublié les épingles heureusement on trouve quelqu’un pour nous dépanner, je prend la voiture direction la ligne de départ (et d’arrivée) à Aime.
J’arrive sur place, je fais les dernières vérifications, j’ai tout le matériel obligatoire, c’est tout bon il manque plus qu’à remplir le camel bag et c’est good. Je tente de m’échauffer un peu, ma contracture est là ça fait mal, je vois les gens sautiller pour s’échauffer, moi c’est le genre de truc que j’évite parce que ça me lance, je pars vraiment avec un désavantage. Je me dis quand même que peut être au bout de quelques kilomètres je serai chaud et ne sentirai plus la douleur. Je pense à comment je vais gérer la course. J’ai pas mal hésité sur la question des bâtons. Je vois beaucoup de monde autour de moi qui en ont. Moi je me suis dit pour rigoler allez les bâtons c’est pour les faibles j’ai pas besoin de ça. Puis c’est une bonne excuse aussi pour ne pas s’en acheter et peut être justifier qu’on galère en montée. Je rentre dans le sas et j’analyse les gens. Je ne sais pas pourquoi je ne peux pas m’en empêcher et j’essaie de trouver les gens qui ont l’air fort. 2 protagonistes vont attirer mon attention de par leur physique athlétique et leur équipement au top, j’me dis wow, ils ont l’air vraiment sérieux eux à mon avis ils sont super bons. Je vais reparler d’eux plus tard et pour préserver leur identité je les appellerai Gilberto et Henri Salvador.
Bref je me place dans le sas, je sais que je vais y aller tranquillement alors j’évite de me mettre tout devant, je sais aussi que ça va monter sec directement et que j’ai pas envie de me retrouver dans les bouchons donc je me place à peu près à 80% du sas il doit y avoir je sais pas 50 personnes devant moi. Je me concentre ça va être long au début et j’imagine mettre grand minimum 3h à arriver en haut. Le tracé de la course est une pyramide, ça monte non stop sur 19 kilomètres et 2000 D+ pour arriver au sommet des Blanchets et ensuite ça descend sur 21 kilomètres et donc 2000 D-, pour finir sur 3 kilomètres de plat. Le décompte est lancé, la musique qui met la pression commence, 10, 9, 8…3, 2, 1… GO, là tout le monde part dans la symphonie de « BIIIIP » des montres qui démarrent leur activité.
Kilomètre 1 et 2
Ça commence tranquille, petite descente sur le 1er kilomètre 4:40 en allure je suis le groupe, mais sans plus je n’essaie pas d’accélérer ou de dépasser. Ma pseudo stratégie avant le départ c’est de me dire d’y aller tranquille à la montée parce que j’estime que c’est mon point faible, pour avoir la pêche pour me faire plaisir dans les descentes en 2ème partie de course. Ça commence légèrement à monter dans le 2ème kilomètre mais c’est encore la ville.
Kilomètre 3 et 4
On m’avait prévenu que ça commençait raide, mais je ne m’attendais quand même pas à ça. Ça grimpe à n’en plus finir. Pour donner un ordre d’idée, sachant que le 1er kilomètre c’était que de la descente, entre le kilomètre 2 et 4 on a déjà fait 500 de D+ (dont 450 sur le kilomètre 3 et 4). Voilà. Je commence déjà à avoir soif au bout du 3ème kilomètre, donc j’attrape le tuyau de mon camel bag, je tire. J’ai un bon litre de néant qui arrive dans ma bouche sèche. Et là j’me rend compte de ma connerie et j’me dis que c’est pas possible d’être aussi con. Je suis arrivé 1h avant le départ, j’ai eu tout le temps du monde pour tout préparer, tout vérifier, j’ai rempli le sac d’eau et j’ai même pas essayé de boire. C’est simple j’ai remis le camel bag dans le sac d’une telle façon que le tuyau est plié tout au début et il est donc impossible de boire. J’essaie de trifouiller le sac en faisant passer ma main derrière moi et d’arranger le truc. Sur le coup je ne comprends même pas ce qui se passe et où est le problème. En vain. Je pense à 1000 solution dans ma tête aucune ne me convient. La seul et unique chose rationnel à faire, c’est de s’arrêter sur le côté et prendre le temps d’arranger le truc. Mais mentalement j’y arrive pas j’arrive pas à assumer que 50 personnes vont me dépasser, derrière moi je vois Gilberto qui arrive à grands pas, devant moi Henri Salvador que j’arrive encore à talonner va définitivement disparaitre, j’ai pas envie, pas tout de suite en tout cas. Alors le truc le plus rationnel que je trouve à faire c’est enlever le sac et tenter de réparer le truc en continuant de monter, comme si c’était pas assez galère comme ça. Je m’exécute, je réussi à identifier où est le problème, c’est tout au fond du sac je tente par tous les moyens d’enfoncer ma main de dénouer tout ce bordel pendant de longues minutes, j’ai franchement aucune idée de ce que je suis en train de faire, ça me gonfle. Allez tant pis j’y arrive pas, je remets le sac et si ça se trouver en fait j’ai réussi à faire quelque chose et l’eau va passer de nouveau ! C’est beau d’espérer mais en fait non pas du tout retour à la case départ pour mon problème d’eau. Tant pis je procrastine et remet à plus tard ce problème, on verra comment je gèrerai quand vraiment j’en pourrai plus et qu’il faudra boire.
Km 4 à 8
Ça continue à bien monter, forcément. Faut dire que je m’attends à rien d’autre jusqu’au 19ème kilomètre. J’avance, Gilberto et ses bâtons probablement en carbone ultra léger finit par me dépasser, ses lunettes pètent la classe; enfin ça fait pro quoi. Henri Salvador lui est toujours devant moi, mais indéniablement la distance qui nous sépare s’allonge et franchement je ne tente pas de la raccourcir, je sais que forcer me coutera très cher plus tard dans la course alors je limite la casse ça me donne presque un rythme. Malgré le fait que ces deux coureurs aillent plus vite que moi, je suis quand même pas peu fier. Très honnêtement j’enquille la monté super bien. Je sais pas si c’est toutes les randos que j’ai faites, les GR20 et tout, mais ça roule. J’ai les main sur les cuisses je prends un rythme constant, pas hyper rapide, pas lent non plus, mais constant et surtout je ne suis étonné de ne pas être essoufflé je tiens aisément tête à tous ceux qui cravachent avec des bâtons, ça me flatte un peu on va pas se mentir. Vers le kilomètre 6 Gilberto ça fait un bail que je ne l’ai pas vu et Henri Salvador a définitivement pris ses distances avec moi il est loin je ne le reverrai plus dès lors que j’arrive à la piste de Bobsleigh où on se mélange avec les participants de la 6000D qui passent par ici. Eux en sont à leur 15ème kilomètre, on remonte donc la piste c’est vraiment sympa. J’ai pris un gel 10min avant et je me sens au top, j’arrive même à courir dans la monté. Je m’arrête quand la piste est vraiment raide mais tout le reste du temps je cours et ça sans forcer ça me fait vraiment plaisir. J’entends les participants de la 6000D marmonner « mais comment ils font pour encore courir eux ! ». Bon faut dire qu’on est pas sur la même course et que la Marathon est quand même plus simple. Au 8ème kilomètre on arrive au sommet de la piste de Bobsleigh, et quand même déjà 1000 de D+ avalé, je vous jure que en si peu de kilomètre ça fait beaucoup.
Kilomètre 8 à 15
On sort de la piste de Bobsleigh et de la forêt. C’est vraiment là que la course commence. On aperçoit enfin la montagne. Il y a un kilomètre de plat et de légère descente qui me permet de récupérer de la montée. Je suis à l’aise sur la plat forcément je m’entraine majoritairement dessus et j’arrive à gratter quelques places tranquillement. S’en suit de nouveau de la montée. Il y a énormément de participants de la 6000D, je pense qu’on est avec les concurrents qui se trouver au milieu en terme de classement, le gros du paquet quoi et je passe mon temps à zigzaguer pour les dépasser, en vrai c’est limite ludique mais surtout quel paysage de dingue, ça fait oublier tout le reste. D’un côté les sommets des montagnes avec les neiges éternelles, de l’autre les vaches avec leurs sons de cloches. Je me dis que c’est donc comme ça que nait le beaufort d’été. Oui j’arrive à penser fromage pendant une course. Je prends un autre gel à 1h30 de course et honnêtement, je suis au top. Je me sens super bien et je prends un max de plaisir, quelques montés sont raides mais ça passe je contourne les gens parfois à droite, parfois à gauche à moitié dans la pente dès lors que les chemins deviennent sinueux. J’ai beau regarder je ne vois plus de dossards des Marathoniens, donc pas trop de pression derrière moi. On fini par arriver au cœur des stations de ski, on y est, j’arrive à reconnaitre les endroits que j’ai déjà pas mal pratiqué mais normalement tout est blanc. Là voir tout en vert c’est étonnant. Je vois le vrai relief imparfait à certains endroits et je me dis ah oui je me rappelle ici c’est pour ça qu’on s’enfonce et qu’il n’est pas conseillé d’aller y skier. Au 14ème kilomètre s’offre à moi une grosse descente jusqu’au 1er ravitaillement, la première vrai descente dans cette première partie de course presque exclusivement composée de montée. J’ai un avant goût de ce que j’aime, alors je m’élance. Ma contracture, je l’ai complètement décontractée elle ne me gène pas mais j’évite quand même de trop forcer pour pas la réveiller. Là dans la descente les premiers petits warnings arrivent. Je veux vraiment pas forcer sur la contracture même si je ne la sent pas trop, alors je claque beaucoup des pieds j’amorti très peu sur le mollet et ma colonne tape. J’ai tout de suite un peu mal au dos… Pour une fois que j’arrive à enchaîner beaucoup de monté dans avoir mal au dos, c’est maintenant la descente le problème… Malgré tout j’en profite encore pour gratter une ou deux places jusqu’à l’arrivée au ravitaillement.
1er ravitaillement
On est donc au 1er ravitaillement, j’ai un mec qui arrive vers moi super sympa on commence à parler et il m’impose à lui comme son acolyte. J’ai pas tout compris mais ça y est j’ai l’impression qu’on est lié par le sang. On échange sur nos états de forme et tout. Moi j’suis à l’ouest je regarde les paysages mais je vais bien. Lui me raconte aussi que ça va et il me raconte que il n’y a qu’une trentaine de personne devant nous. Ça m’étonne un peu, je pense qu’il abuse légèrement mais bon je me dis que c’est sympa finalement ! Plutôt inattendu en fait donc ben tant mieux ! Je prends mon orange, des morceaux de bananes, un tuc et ça repart. Je vais pour remplir mon camel bag aussi parce que OUI, j’ai trouvé une technique. C’est une galère monstre mais si je pivote pour bien pouvoir attraper le tuyau derrière mon sac et que je tire comme un sourd dessous j’ai à peu près 1 chance sur 4 de réussir à tirer de l’eau. Ça me vaudra quelques crampes au niveau du cou et des abdos et franchement, c’est hyper chiant, mais j’ai la putain de flemme de régler le problème et je finirai la course comme ça, tant pis. À peine mon réservoir rempli, j’ai mon acolyte qui me cherche histoire que voilà on parte ensemble parce que maintenant qu’on est des frères de sangs, dans la même galère, cette course on va la faire ensemble. Cette ligne ON VA LA PASSER ENSEMBLE et on sera là pour se soutenir, ça va être beau, ça va être fort PARCE QUE C’EST NOTRE PROJET ! On est prêt, on passe ensemble le point de contrôle à la sortie du ravitaillement et ça commence par une montée. Je suis en forme, rien à foutre je cours. Littéralement 15 secondes (vraiment 15 secondes je n’abuse même pas) j’ai mon acolyte frère de sang qui me lâche un « oh putain je crois que j’ai mangé trop vite. Non mais t’inquiète pars devant si tu veux ». Je ne le reverrai jamais. Notre amitié aura duré genre 3 min à tout casser, mais c’était fort.
Km 15 à 19
C’est la dernière « ligne droite », les derniers kilomètres de montée avant le sommet des Blanchets. On est sur une piste verte assez étroite pour une piste, ça alterne entre légère montée et plat. Le genre de piste extrêmement naze en snowboard qui par manque d’élan nous oblige soit à déchausser un pied, soit à demander à un skieur un bâton pour nous tirer. J’ai mon premier coup de moins bien, un petit coup de mou, j’ai du mal à relancer peut être que l’effet des gels est terminé. Mais bon j’essaie quand même de marcher le moins possible et courir au moins sur le plat et la montée légère. Vers le 17ème kilomètre, incroyable je retrouve Gilberto je le reconnait à son haut orange moulant. On dirait qu’il a trop donné au début et ça devient difficile, je le dépasse, petite fierté et je ne le reverrai plus. J’arrive enfin aux Blanchets, j’aperçoit au bout d’une ultime pente, l’arrivée du télésiège. Enfin, je commence à en avoir marre de monter. Je pose mes mains sur les cuisses, c’est parti. Honnêtement la raideur de cette pente est horrible, j’en chie à mort j’avance à deux à l’heure mais en fait tout le monde avance à deux à l’heure ici personne ne fait le malin c’est vraiment extrêmement raide et je me demande si l’altitude n’est pas aussi un peu en cause quand je vois comme je galère. Je finis par arriver en haut, la libération, j’en peux plus. J’ai limite la tête qui tourne le temps de reprendre mes esprits et au point contrôle, le point culminant où je passe finalement en 2h44, j’entends la personne qui bip mon dossard me dire « allez, 26ème bravo ! »
Km 19 à 22
Très honnêtement quand j’entends que je suis 26ième je vrille dans ma tête et à partir de là c’est un mélange de pression, de joie et d’adrénaline qui m’arrive en plein dans la gueule. Je suis plus chaud que jamais bordel je suis 26ème j’en reviens pas j’ai une chance d’arriver avant la 30ème place quoi. À partir de là tout change. C’est terminé la course tranquille, maintenant je veux être top 30, maintenant c’est la compétition. Après le point de contrôle il y a une toute petite montée où des photographes et des supporters attendent et me voient marcher et commencent à gueuler « ALLEZ DU NERF ON LÂCHE RIEN C’EST PAS LE MOMENT DE MARCHER » en rigolant. Et moi je gueule en réponse « MAIS GRAVE MERDE QU’EST CE QUE JE FOUS LÀ » et je me mets à courir, je fais un peu le malin j’arrive en haut de la pente en courant, mes mollets boum, une crampe. Je les regarde: « ok là j’ai un peu trop fait le malin, j’viens de me prendre une crampe je vais me calmer » ils éclatent de rire, moi je ris jaune et j’attaque la descente qui durera 21 kilomètres avec des petites crampes au mollet qui me font peur. Je regarde quand même derrière moi voir si on me rattrape. Quelqu’un me colle à quelques secondes derrière je le vois dévaler. Pas le temps de faire attention, il faut envoyer. Alors tant pis les crampes j’envoie un peu et allez savoir pourquoi, ça durera 20 minutes les crampes au mollet et ça sera terminé jusqu’à la fin de la course. Cette descente c’est la partie que j’ai préférée dans la course de loin j’ai pris un plaisir de fou à dévaler les pistes toutes vertes que je prends normalement en snowboard, j’ai plein d’espace c’est grandiose les gens m’encouragent de partout ils font sonner les cloches l’ambiance est terrible. J’arrête pas de penser que pour le moment je suis top 30 et tout le long de la course dans ma tête je vais pas cesser de me répéter « allez, si je suis top 30 franchement je suis heureux, faut rien lâcher » et honnêtement je ne choisis pas ce mot à la légère j’ai besoin de ça après mes précédents échecs. Je dévale une dernière grande descente pour arrive à Bellecôte et j’arrive au ravitaillement seul et j’entends dans les hauts parleurs: « IL VIENT DE LYON, IL S’APPELLE GUILLAUME MARCHAND JE VOUS DEMANDE À TOUS DE L’APPLAUDIR BIEN FORT ALLEZ MON GARS TU PEUX LE FAIRE ». C’est dingue la motivation que ça donne. C’est aussi pour ça que j’aime le trail et les courses, pour l’ambiance qu’il y a c’est vraiment que de la bienveillance. Je remarque aussi que à partir de ce ravitaillement, j’arrive toujours seul car à ce classement (même si c’est rien d’exceptionnel non plus hein) soit les gens sont loin devant, soit loin derrières mais il n’y a pas de « pack » et les organisateurs t’identifient comme voulant faire un « bon temps » du coup ils sont aux petits oignons pour optimiser le ravitaillement, ça va vite ils ne perdent pas de temps hop 2 oranges, 2 tucs, 1 Saint Yorre, un coca et c’est reparti. Je repars hydraté, j’ai fait le plein de sucre (à peu près quoi), le plein d’adrénaline avec les encouragements, direction le prochain ravitaillement 10 kilomètres plus bas.
Km 22 à 32
Je pars du ravitaillement avec une légère pression à cause d’un participant qui arrive juste au moment où je pars, et c’était un dossard Marathon, donc je me hâte un peu. La partie fun est terminée, globalement c’est la fin des grands espaces de « haute montagne » et des pistes de ski, on va attaquer la forêt et les petits chemin relativement techniques. Ça va être une étape assez longue, car je vais beaucoup être seul et c’est difficile à exprimer mais on avance sans vraiment savoir où on va c’est plein de petits virages en forêt on voit pas au loin où on va arriver et ça donne l’impression que ça ne fini jamais. Je fini par dépasser une personne, puis quelques kilomètres plus loin quelqu’un me rattrape (il finira 21ème et 1er de la catégorie espoir) et on se met à discuter. On a à peu près la même allure en descente on est à l’aise tout va bien c’est plutôt cool. Jusqu’au moment, sans prévenir et avec une note de 10/10 en synchronisation je me prends comme un coup de fusil dans les cuisses. Je hurle de douleur; une crampe infâme à l’intérieur des cuisses que je n’avais encore jamais ressenti auparavant (ça vient surement du fait que je n’avais jamais enquillé autant de descente sans m’arrêter). Je tombe au sol instantanément les genoux à terre. Mon coéquipier des 15 dernières minutes se retourne « ça va ?? » je lui dit de pas s’inquiéter et de continuer sa course. Moi à terre je suis bien emmerdé. Pour faire passer une crampe au mollet par exemple, on prend appuie sur une jambe et on tire sur l’autre. Comment on fait quand c’est les deux jambes en même temps et qu’en plus c’est les cuisses, que ça passe pas et que ça fait une douleur insupportable. J’me roule à moitié par terre et tente d’étirer mes jambes comme un débile par terre dans la descente dans la terre, en vrai c’est super difficile. Là mentalement clairement je suis au fond, tout était si parfait avant, c’était dur mais franchement sans plus ça roulait. D’un coup dans ma tête je me dis plein de trucs. Je me dis putain c’est pas possible, je me disais bien que ça pouvait pas être si beau là top 30 fallait bien qu’il y ai un problème. Ensuite je repense à l’ultra marin et c’est pas possible que je suis maudit que en gros je vais encore devoir abandonner une course ? (vraiment vous imaginez pas la douleur à aucun moment je me vois repartir, pour le moment je me roule par terre) et puis même dans le cas où je me relève il reste genre 18 kilomètres que je vais devoir faire en marchant donc ben adieu le top 30 et la joie que ça me procurait adieu ne serait-ce qu’un classement correct là on vise juste de pouvoir finir la course. En fait y’a un peu tout qui s’effondre là c’est vraiment pas cool. Au bout d’un moment je fini tant bien que mal à me relever mais c’est vraiment laborieux la douleur commence à passer doucement et je repars dans la descente en marchant doucement. Petit à petit je marche de plus en plus vite, inévitablement j’ai un premier coureur qui me rattrape « et oui la descente elle fait mal, ici c’est clairement le juge de paix ». Il me dit ça et dans ma tête je me dis que c’est vrai que je pensais que une fois la montée faite, il me resterai que la descente où normalement je me fais plaisir. C’est en fait un challenge pas si simple que ça… Bref la douleur passe de plus en plus et timidement je tente de passer de la marche rapide au léger footing, sans trop forcer parce que à partir de là j’ai qu’un crainte: c’est que les crampes reviennent, c’est déjà inespéré que je sois reparti. Et au fur et à mesure j’arrive à accélérer le rythme. L’image que j’ai en tête c’est Forrest Gump quand il court en boitant avec son attirail pour son dos en « point d’interrogation » poursuivi par les enfants en vélo qui finit par tout éclater et courir normalement. Encore une fois je ne sais pas ce qui se passe dans mon corps, mais j’ai pu au bout d’un moment continuer à descendre normalement et j’ai plus été emmerdé par ces crampes. Enfin presque plus.
Km 32 à 43 (l’arrivée quoi !)
J’arrive à Montchavin, l’ultime ravitaillement avant l’arrivée. Comme le précédent, il y a un « pré scan » avant d’arriver qui donne les informations à l’organisation sur place. Et comme avant j’arrive avec le son des cloches et des encouragements incroyables des locaux et du speaker « ON ENCOURAGE GUILLAUME MARCHAND ALLEZ T’Y ES PRESQUE » je peux entendre sur les hauts parleur. Au ravitaillement une fois de plus j’arrive seul et une fois de plus ça me fait halluciner comme tout le monde est opti pour te ravitailler pour que ça aille le plus vite possible. Comme d’hab une Saint Yorre, un coca, je demande un tuc, on m’en file 5 je les prends, en mange un et tente de les redonner. Covid oblige on me dit qu’ils ne peuvent pas les reprendre et que je peux les mettre à la poubelle. Je leur dit « non en fait j’aime pas gâcher » des fois j’suis un peu borné. Je fous les tucs à l’arrache dans une des poches de mon sac de trail, ils finiront en bouilli au fond bref j’aurai dû les jeter. Je vais pour repartir après avoir reçu de façon optimale tout ce dont j’ai besoin. Je vous jure j’ai l’impression d’être un pilote de formule 1 qui s’arrête au stand pour refaire le plein, changer les roues etc en un temps record c’est assez drôle. Au moment de repartir j’ai carrément une sorte de coach qui m’interpelle: « ok Guillaume comment tu te sens, il te reste 10 kilomètres, les jambes, les crampes c’est bon ? » Je lui répond avec un ton assuré: « ça va le faire. » Il me redemande: « t’es sûr ? » je répond un franc « oui » mais bon si j’avais dit non je sais pas trop ce qui se serait passé mais j’imagine que c’était plus pour me donner du courage. Et je repars. Il me reste 10 kilomètre et j’entends dans les hauts parleur encore une « ET ON ENCOURAGE GUILLAUME QUI REPART, SUIVI DE LA PREMIĒRE FEMININE… ». Et là dans ma tête: « PARDON ?! Y’a la 1ère féminine qui me colle au cul ? Genre je suis DEVANT la première féminine ? ». Ok donc c’est vrai que j’avais pas eu une petite pression depuis un moment, et c’est exactement ce qu’il me fallait. Attendez j’ai l’occasion si je gère bien ma course d’arriver avant la 1ère féminine je suis comme un petit fifou et ça me donne un nouveau challenge, alors je perds pas de temps. Je garde le rythme et normalement si j’ai pas de crampes et que je m’hydrate bien ça devrait le faire.
À partir de là ça va être un peu chaotique, il reste grosso modo 10 kilomètres et ça va pas être de la petite gestion de course tranquille non ce serait trop simple. Je vais enchainer deux erreurs monumentales qui vont me mettre dans le mal.
Première erreur dont je me rend compte très très rapidement c’est que je pensais avoir de quoi tenir les 10 kilomètres restants avec l’eau de mon camel bag. J’ai tenu à peu près 200m avant de tomber en pannes sèche avec un sale gout de tuc dans la bouche. Là je sais que sans eau je peux tenir sans que ce soit infernal encore quelques kilomètres, mais je me doute que ça va vite devenir l’enfer surtout qu’on s’approche des 10h et il commence à faire un bon gros soleil qui tape. Bon sur le moment je me dis que c’est le problème de plus tard, y’a rien à faire donc ben on continue.
Deuxième grosse erreur: pour rappel on est sur de la descente presque jusqu’au bout. J’arrive à un croisement on peut aller soit à droite où ça descend, soit à gauche où ça monte légèrement. Dans ma tête de mec qui commence à avoir soif le choix est vite fait: on va à droite, c’est logique ça descend, et ça descend bien en plus plus. Alors j’y vais et je continue comme ça jusqu’à une route départementale à traverser. Je vois 2 voitures arriver à fond, je les laisse passer puis je traverse mais là je me dis que c’est pas normal. Toutes les fois où sur le parcours il y a une route à traverser il y a soit la police soit des organisateurs qui arrêtent le trafic à l’arrivée des coureurs et là tranquille ça passe à 80 à l’heure et y’a personne. Je m’arrête je réfléchi. Là maintenant que j’écris ça, c’est juste l’évidence même JE ME SUIS TROMPÉ point. Mais non, non non non non c’est pas possible. C’est PAS POSSIBLE. Je cherche toutes les autres solutions pour transformer ce problème en solution je pense à des trucs stupides du genre allez je continue à tous les coups ça va rattraper le parcours. Alors que mais pas du tout ! c’est pas du tout au même endroit en plus ça descend alors que le vrai parcours monte un peu et je fini par me dire dépité bon bah ok j’me suis trompé MERDE. Et je fais demi tour et c’est de la putain de montée j’en peux plus de la montée en fait ! je me force à courir heureusement ça ne déclenche aucune crampe. Je fini par apercevoir l’endroit où je me suis trompé je vois des gens passer devant moi que j’avais pas vu depuis tellement longtemps… Je suis franchement triste genre j’ai l’impression d’avoir ruiné mon truc.
État des lieux:
- J’ai pas d’eau
- Je viens de me taper une montée de merde qui m’a encore plus assoiffé
- À tous les coups j’ai perdu mon top 30
- Bien évidemment la première féminine m’est passée devant
Je me fais rapidement une raison. J’ai pas le choix. Tant pis pour le top 30, j’estime que je dois être genre 32ème c’est très bien aussi. Pour la première féminine ben c’est pas grave en réalité je suis juste venu pour faire une course cool de toute façon j’étais même pas là pour une « perf » alors je vais finir mes 10 kilomètres et je serai content et ça sera très bien.
Je reprends le parcours, je dépasse rapidement un concurrent qui a vu que je m’étais trompé il m’encourage, ça me donne de l’adrénaline. Encore un fois le monde du trail c’est vraiment un monde de bienveillance de dingue ça fait vraiment plaisir. J’accélère un peu tant pis je me dis qu’il faut que je me fasse un peu violence. Je finis par rattraper un autre participant. Je vais plus vite que lui dans les descentes techniques, il se met carrément sur le côté pour me laisser passer. Je continue il doit rester 6/7 kilomètres et là ça commence à être tendu niveau de la flotte. J’ai vraiment soif. Je me fais dépasser à toute vitesse par un participant, je suis impressionné de voir comment il peut tracer à ce point alors qu’il a déjà tout le reste de la course dans les pattes. Les kilomètres passent, il doit en rester 5 et plus on s’approche de la fin, moins c’est de la descente et plus ça se transforme en chemin irrégulier qui alterne entre descente, petite montée, puis re descentes etc… et la personne que j’ai dépassé quelques kilomètres plus haut que j’appellerai dans ma tête « le vieux » me colle au cul (il devait avoir la 50aine, je dis ça sans aucune offense, mais dans ce récit j’exprime ma pensée telle qu’elle était lors de la course. Et pendant la course, désolé je l’appelais le vieux). Dans cette résignation d’avoir définitivement perdu mes places et donc mes petits objectifs d’arrivée, le vieux en me collant au cul va me pousser à rien lâcher et à continuer à me donner jusqu’au bout par peur de encore perdre une place. il reste 4 kilomètre et j’vous jure j’ai juste le mot EAU qui clignote en rouge dans ma tête. À chaque seconde je pense à de l’eau c’est épouvantable. Je repense à la phrase qu’un pote m’avait dit quand on était en rando: « quand on a soif, boire de l’eau bien fraiche c’est comme boire des gorgées de paradis ». Souvent je me suis dit qu’il avait raison et maintenant plus que jamais. Je passe dans des chemins de prairies où des gens me proposent de l’eau quand je leur dit que je n’en ai plus mais je refuse parce que ça veut dire s’arrêter, attendre que l’eau arrive, etc etc ça veut dire que le vieux va me passer devant. C’est mort ! Alors je continue je vois un Nième cours d’eau passer dans la forêt, j’ai passé mon chemin toutes ces fois, mais là… je me retourne, les quelques mètres avant c’était de la descente, j’ai pris un peu d’avance sur le vieux et je ne le vois pas. Allez je tente avec pas mal d’appréhension un accroupissement. Non mais j’ai l’impression de rendre épic un pauvre accroupissement. Mais j’ai des flashback des crampes que j’ai eu aux cuisses 15 kilomètres plus tôt, donc je réfléchis avant de m’accroupir, je pose le pour et le contre pour être certain que prendre le risque de s’accroupir ça vaut le coup. Bon là la soif c’était juste trop. J’effectue le mouvement technique de l’accroupissement, suivi du geste précis de la jointure des mains en forme de bol qui récupère de l’eau pour finir sur le truc qu’il faut surtout pas rater, la mise en bouche. Le geste est précis, et réussi. Les jurys lèvent leurs pancartes: que des 10. Je divague. Je prends une seule lampée c’est clairement insuffisant mais j’ai pas le temps de faire plus. C’est déjà mieux que rien et ça aide à dégager au moins ce gout de tuc que j’ai depuis 1h dans la bouche. Je continue il reste peu de kilomètres c’est de plus en plus dur. On retombe sur une petite montée le vieux avec ses bâtons m’a rattrapé il est juste derrière. Ne pas l’avoir vu quelques minutes a tout de suite fait que je me suis relâché, j’avoue que je profitais de la moindre petite montée pour marcher j’étais à bout. Je me reprends et je relance. Au bout d’un moment je vois au détour d’un virage dégagé une silhouette féminine au loin. Je me dis putain elle est là, mais elle est tellement loin jamais je la rattrape, là j’en suis pas capable. Bref je continue. J’arrive dans un village. Une femme fait sa vaisselle dans une fontaine, sa fontaine à priori. Il y a un panneau avec écrit « Eau potable, coureurs servez vous ! » le MIRACLE. Je ne réfléchi pas je m’arrête 10 secondes je colle ma bouche au tuyau et j’ingurgite un maximum d’eau. Je me force à arrêter pour éviter d’être ballonné pour finir la course. Je suis requinqué. C’est reparti allez ON VA ALLER CHERCHER LA LIGNE.
Il reste 2 kilomètres, ma montre sonne le kilomètre 40. J’ai ouï dire par une passante que c’était que du plat jusqu’à l’arrivée et effectivement on est sur une piste cyclable bien plate et bien bien droite on voit bien au loin. Devant moi j’ai rattrapé la personne qui m’a dépassé dans la descente à fond. Et encore plus loin. Au loin je la vois, la 1ère féminine. Là je ne réfléchis pas. Le calcul est évident, il reste 2 kilomètres il me reste qu’une chose à faire: me mettre dans le mal et la rattraper. Ni une ni deux rien qu’à l’idée de passer la ligne et de repasser devant elle, mon cerveau choppe 2 seringues d’adrénaline pure 100% bio made in moi et me l’injecte bien profond je sais pas trop où, mais ça fonctionne. Je pars comme une balle (une balle qui vient de taper 40 kilomètres, 2000D+/2000D- on se calme) 4:30 au kilomètre c’est du plat, je connais c’est mon entrainement quotidien, je dépasse le mec devant moi, je m’arrête pas je rattrape la première féminine à une vitesse pas prévu. Elle m’interpelle… je me retourne « excuse moi tu aurai pas vu une femme derrière » sur le coup je ne comprends pas ce qu’elle veut dire je répond que non. Avec le recul je pense qu’elle voulait savoir si la 2ème féminine était proche ou pas, j’aurai juste du lui dire qu’elle ne s’inquiète pas et qu’elle la tenait sa 1ère place du podium. Mais pas le temps de niaiser, je repars dans ma tête je me dis allez Guillaume ne t’arrête pas, au mental on donne tout il reste moins de 2 kilomètres ça fait même pas 10 minutes allez. Alors je continue du mieux que je peux pour garder la cadence mais surtout pour ne pas exploser. Je ne suis pas loin mais je tiens. J’avance et qui je vois devant… Henri Salvador j’y crois même pas je ne l’ai pas vu depuis presque 40 kilomètres, mais je me calme il est loin et je me dis que ça ne sert à rien, Guillaume stop t’as rattrapé la 1ère féminine maintenant tiens sans exploser jusqu’à l’arrivée. Je continue sur ma montre ça affiche 41.5 kilomètres je me rapproche du bon Henri Salvador sans vouloir le dépasser mais le plus important: l’arrivée est à 500m voilà on y est quoi il reste moins de 1 kilomètre. Par contre c’est étrange je suis toujours sur la piste cyclable à droite je vois un cours d’eau les gens font du rafting. À aucun moment j’imagine l’arche d’arrivée au milieu de Aime La Plagne, y’a un truc qui cloche. Le truc c’est que je vais pas tenir à ce rythme encore très longtemps. Les mètres passent, je fini par arriver au niveau Henri Salvador. Je me met une pression tout seul. Dans ma tête ça va être la lute finale et acharnée jusqu’à la ligne d’arrivée. Je me prépare à devoir me battre face à lui ça va être chaud mais je vais tout donner. Je le dépasse et je ne me retourne pas, je fonce tout droit vers l’arrivée ! Ma montre sonne 42 kilomètres. Pas l’ombre d’une arche. Je ne comprends pas. Et c’est vraiment difficile de tenir la cadence quand finalement on ne sais pas trop quand ça va s’arrêter. Je suis en train de me dire mais si ça se trouve ma montre à tout faux ! Donc je continue tête baissée et finalement je reconnais enfin le passage qu’on a pris au 1er kilomètre. Je suis à la fois soulagé et dépité il reste 1 kilomètre finalement (je pensais que la course faisait 42 kilomètres, mais elle en fait en réalité 43). Et si vous vous souvenez des premières lignes de ce récit sur le 1er kilomètre c’est de la descente. Dans l’autre sens, face à moi c’est une montée. Honnêtement c’est une légère pente. Sauf que moi je vois l’Everest en face mais à tout les coups Henri Salvador me colle au cul je ne peux me permettre de marcher alors je tente de courir en montée puis un moment je craque il faut que je marche. J’en profite pour regarder derrière moi. Le mec est tellement loin que j’arrive même pas à l’apercevoir. En fait je suis sous pression depuis tout à l’heure tout seul parce que en fait je suis le seul à faire la course face à mon « adversaire ». Il est bien plus cramé que moi, il n'a même pas cherché à me suivre. C’est ce que je me dis là de suite mais sur le coup on pense de façon irrationnelle. Non, il peut me rattraper à n’importe quel moment. Ça fait 15sec que je marche, je repars en courant tant pis. Il reste 500 mètres (vraiment cette fois), j’arrive dans le village tout le monde m’applaudis encore une fois le son des cloches à fond je commence à exploser mais de joie cette fois. Ça bouillonne au fond de moi j’ai envie de gueuler tout le monde me dit allez t’es au bout il reste 200 mètres c’est le dernier virage. Je le prends, en face de moi le tapis rouge et l’arche. Le speaker scande mon nom j’exulte, je passe en gueulante le poing serré, j’arrive finalement 25ème. Je suis tellement heureux, dans ma tête je suis arrivé 1er. Pour le première fois, je suis fier de ce que j’ai fait et je pense que les photos sont explicites.
Je lâche la pression le rythme que j’ai pris pour les 3 derniers kilomètres m’a mis au fond, je ne tiens plus debout. On me file mon t-shirt de finisher, je titube à moitié je trouve un coin d’ombre je pose tout par terre, mon sac, mon t-shirt, mon téléphone et m’allonge mort les yeux dans le vide face au ciel. Au bout de 10min par terre à récupérer j’ai un appel qui me ramène à moi. C’est l’ami Nicolas qui vient prendre des news ! Je dois me lever pour répondre, je plis les jambes. Boum coup de fusil dans les cuisses le même que plus tôt dans la descende je hurle de douleur et m’accroche à la barrière pour mas tomber par terre. Cette fois il y a plein de monde autour de moi, on m’aide à faire des gros étirements ça fini par passer et je réussi péniblement à me lever. J’ai ensuite pu profiter de l’ambiance, tout défoncer au ravitaillement de fin de course. Au pays du beaufort j’ai demandé quelques morceaux, on m’a filé un bol. C’était top j’ai pu boire mon paradis en bouteille plus connu sous le nom de Saint Yorre. J’ai pu encourager les coureurs j’ai pu assister à l’arrivée des 1er de la 6000D et discuter 2min avec Yoann Stuck un grand champion made in Lyon bref la bonne ambiance de fin de course quoi.
Conslusion ?
C’était pas prévu cette course. Je me suis inscrit à l’arrache, j’ai participé un peu à l’arrache aussi. Mais il y a vraiment pour moi un avant et un après cette course. J’ai réussi à me prouver que j’étais capable de courir une course décemment. Je me suis prouvé que l’entrainement et la persévérance payent. J’ai l’impression que je suis passé dans la catégorie des coureurs. Voir même des bons coureurs et ça va dans le sens de ce que j’essaie de faire et ce que j’ai au quotidien en tête: essayer de devenir meilleur. De prouver que même si on a pas un passif d’ultra sportif, même si on a pas un corps d’athlète (quand je vois les photos avec mon bassin trop gros, mes jambes fines en bas et un peu grosses en haut je me fais limite rire), même si on a commencé tard. On PEUT devenir bon. J’ai tellement d’exemple dans les personnes que je suis et je n’ai d’autre but que de faire parti des exemples à mon tour. Je relativise aussi. Au final il y a eu 255 finishers sur ma course et arriver 25ème c’est pas non plus une performance hors du commun. Je suis encore très loin d’être très bon et l’escalier qui monte vers l’excellence est extrêmement long et difficile mais avec cette course j’ai selon moi définitivement grimpé une marche. Et on va être clair mon but c’est d’arriver en haut, pas au niveau des Kilian Jornet et compagnie hein mais en haut de ce que moi je considère l’excellence, mon excellence. Un niveau qui me permettra de faire des courses et d’atteindre des classements qui me rendent fier.
La suite
Je vais encore continuer mes entrainements, normal essayer de courir plus au cardio qu’à la vitesse. Je vais aussi tenter de perdre les 3/4 kilos que j’ai en trop. J’imagine que 4 kilos en moins à chaque pas sur une course ça fait une différence énormissime et c’est potentiellement un axe que je peux travailler pour gagner en performance sans forcément être fondamentalement « meilleur » en course.
Prochaine étape cette fois pour de vrai (je ne vais pas m’inscrire à une course avant) sera donc le fameux trail du Galibier-Thabor à Valloire dans maintenant 20 jours. Très honnêtement elle me fait quand même un peu peur. Autant là 42 kilomètres, c’est une distance que je commence à bien connaitre. 2000 de dénivelé avec la rando etc… c’est du dénivelé que je connais ça ne me fait pas trop peur. Là cette fois on parle de 52 kilomètres et 3500 de D+/D-. Je n’ai jamais fait autant de dénivelé en une journée de ma vie donc je ne sais pas trop comment mon corps va réagir donc cette fois ci vraiment je n’espère rien de la course si ce n’est de la finir.
Bravo à ceux qui ont lu vous êtes quand même assez fort et vous avez pas mal de temps à perdre mais si vous avez apprécié ce récit et que vous avez pu ressentir dans une certaine mesure au moins tout ce que moi j’ai pu ressentir d'épique dans cette course, et bien sachez que ça me fait plaisir.
Prochain récit fin du mois d’août j’imagine ?