Mec qu'on ce qu'on fout ici ?
La SaintéLyon et ma déroute
Alors comme d'hab ça s'est pas vraiment passé comme prévu. Mais là cette fois encore moins comme prévu que les autres fois. J'étais sensé raconter à quel point cette SaintéLyon 2021 était dantesque, à quel point c'était cool de courir sous la neige, à quel point c'était top d'arriver, à quel point l'ambiance était terrible et j'en passe. Bon comme vous le savez sûrement, je n'ai pas participé à cette SaintéLyon, j'ai subi (et je subis toujours) un des trucs les plus angoissants que j'ai connu depuis que je cours: des bursite inter métatarsiennes. Angoissant non pas dans le sens où c'est très grave ou que ça fait très mal (même si ça fait clairement pas du bien hein), mais dans le sens où on n'en voit pas le bout. On a du mal à voir une amélioration et il est absolument impossible de trouver que ce soit chez les professionnels de santé ou Docteur Google un réel avis ou témoignage sur comment faire partir cette merde et combien de temps ça va durer.
J'ai commencé à ressentir ça un peu plus d'une semaine après la fameuse Chartreuse Backyard. Ça commence très tranquillement, et ça n'alarme pas. Un sensation de coup de jus sous le pied, une sensation qu'on tape un nerf, principalement au réveil au début. Alors on n'y fait pas attention et ensuite ça commence à se sentir au marchant avec des chaussures. Et là plus ça va, plus ça reste, plus je me dis mais en fait c'est méga casse couille ce truc ? Je ferai un post sur comment gérer ce problème plus en détail en dehors de ce récit, mais en gros j'ai opté pour la fameuse technique millénaire enseignée par les chamans du Tibet: le battage de couilles. J'ai continué à courir. C'est arrivé, ça va bien finir par partir donc aucune raison de vraiment chambouler mes entrainements. Sauf que au fur et à mesure que ça s'est aggravé, se prendre un coup de jus sous le pied à chaque pas, c'est marrant 5 minutes, après c'est vraiment ultra pénible. Mais ça ne m'a pas empêché de continuer à courir et d'appliquer à la lettre ma technique millénaire, sauf que j'ai tenté (parce que c'était trop pénible, je n'avais pas le choix) d'adapter ma foulée à ma nouvelle blessure. Bingo, une autre blessure par dessus est arrivé à force de courir comme un estropié. Cette fois-ci, on est pas sur une petite gène non. C'est pas que c'est douloureux, c'est que c'est sa mère douloureux la race de sa grand-mère comme dirait Karadoc de Vannes. Là comme ça sans faire mon médecin ça ressemble fortement à un périostite tibiale, et ça fait tellement mal, que mon TFL que j'ai eu en 2019 en terme de douleur c'est du pipi de chat pour reprendre les expressions de ma grand-mère.
La périostite arrive un peu plus d'une semaine avant la SaintéLyon, et comme sur le coup je ne sais pas trop ce que c'est, je suis serein: c'est musculaire, ça va passer. Mais ça fait tellement mal que je stoppe tout entrainement pour essayer de guérir avant la jour J. Bon on va faire court, ça n'ira pas. Je tente 1 jour avant en pensant que ça va mieux de courir de chez moi à la halle Tony Garnier pour récupérer mon dossard. Je fais 7 kilomètres, et franchement, je me suis ratatiné. J'ai pas d'autres mots (enfin si mais ça risque d'être vulgaire). À tel point que je ne vais même pas pouvoir rentrer chez moi ne serait-ce qu'en marchant tellement la douleur est horrible. Je prends le métro, je rentre chez moi et j'abdique. J'ai la haine, j'ai envie de pleurer. Je m'imaginais la faire cette SaintéLyon, quit à devoir gérer la bursite au mental. Là au moins, il n'y a plus aucun doute, je n'arrive pas à marcher, alors courir 78 kilomètres... Bref encore une fois, ce ne sera pas pour cette année.
Avant le Maratón
Je me fais une raison. Il reste 15 jours avant le Maratón de Málaga, on sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. Je prends mon mal en patience et attend sagement d'aller mieux, que ce soit mes bursites ou ma périostite. Une semaine plus tard, un jour avant de prendre l'avion, j'ai une sorte de révélation. Quand je marche pieds nus, je ne sens pas ou peu mes problèmes de bursites. C'est logique ! L'inflammation des bourses (les bursites quoi) font que entre mes métatarses (les os des pieds, juste avant les orteils), le nerf est comprimé et donc ça déclenche le "coup de jus", et particulièrement dans des chaussures car la chaussure compresse le pied. Et donc c'est pour ça que pieds nu, ça va parce que les métatarses sont moins compressés. Et donc la révélation c'est que je connais une marque: Altra. Ils ont un système qu'ils appellent "Footshape Toe Box" et dans la théorie ça ressemble à ça.
Et dans la réalité ça donne ça.
Donc ça a l'air de plutôt matcher avec le schéma, et ça me semble avoir du sens, d'après moi, ça peut me permettre de courir sans sans douleurs. Alors ni une ni deux, je vais en magasin pour essayer tout ça. J'y crois à mort, je le sens ça va marcher. J'essaye, et effectivement, ça fonctionne, je suis beaucoup mieux dedans et ça réduit fortement les douleurs. Mais petite désillusion, j'ai quand même encore la douleur. J'hésite. Et je vois un truc complètement fou à côté, et perdu pour perdu, j'essaye. Les fameuses Vibram 5 fingers.
C'est miraculeux. C'est très simple, c'est comme courir pieds nu, mais avec une fine semelle sous le pied. Basta ! On me prévient que courir un Marathon avec ça sans être habitué c'est un peu du suicide, ça fait travailler énormément les jambes, beaucoup plus que les chaussures traditionnelles. Mais bon au moins ça ne me fait pas mal à mes bursites, donc perdu pour perdu, je prends ça.
J'ai un peu couru pour tester les différentes chaussures et ça a suffit pour relancer ma périostite. Je suis à l'aéroport direction l'Espagne, et je boite. Je sais très bien que j'y vais juste pour voir mon pote, ça me parait très peu probable que je puisse courir le Maratón.
J'arrive à Málaga et je n'ose même pas tenter un petit run, j'ai peur de relancer les douleurs. Je rechigne même à trop marcher pour visiter la ville.
Au bout de quelques jours à m'acclimater au soleil d'Andalousie la douleur commence à passer doucement. On est 4 jours avant le Maratón et il est temps de tenter le tout pour le tout. Il faut que je tente de courir, si ça passe, on avisera, si ça passe pas et bien au moins ce sera réglé. Parce que pendant tout ce temps je ne peux pas m'empêcher d'y croire, de me dire peut être que, sait-on jamais je pourrais prendre le départ ! Même si je mets 5 heures à terminer au moins je termine quoi.
1er run, je fais 5 kilomètres sans forcer, c'est la première fois que je test mes 5 fingers. Et bah ça passe nickel. Ça tape sous le pied, ça défonce les mollets et puis en plus ça fait 4 semaines que j'ai arrêté de courir, ça n'arrange rien. Pour la périostite, on est sur un niveau de douleur qui est acceptable et qui n'augmente pas trop pendant les 5 kilomètres, c'est donc positif.
2ème run, 2 jours plus tard et 2 jours avant le Maratón, il est temps de faire une distance raisonnable, je pars pour 12 kilomètres. Et tout se passe bien, ces 5 fingers sont miraculeuses à part les mollets, je n'ai mal nulle part, j'ai l'impression que ma périostite c'est déjà de l'histoire ancienne. Maintenant j'en suis sûr, je prendrais le départ.
Le samedi, un jour avant le départ, on va au centre ville chercher nos dossards, j'ai décidé de marcher uniquement en 5 fingers pour être sûr de ne pas empirer mon état qui s'est bien amélioré. C'est cool les 5 fingers, mais c'est vrai que au début, ça tape sous le pied, ça tape les mollets. J'arrête pas de me demander si vraiment c'est raisonnable de faire un Marathon après 4 semaines de non course avec de genre de chaussures. Est ce que c'est pas le coup à se blesser. Du coup sur le retour, je passe dans une boutique juste à côté de chez Rémy, ils vendent des Altra, dans le doute je préfère essayer. Ils ont des Altra Escalante Racer à ma taille et en les essayant, je me rends compte que je ne déclenche plus les "coups de jus" sous le pied et que mes bursites sont donc en train de disparaître. Le dilemme c'est soit de courir avec ces chaussures et donc de préserver le reste de mon corps et être serein pour terminer le Maratón au risque de relancer les bursites, soit de courir avec les 5 fingers, probablement ne pas relancer les bursites mais aussi probablement abimer autre chose. Je décide finalement d'acheter les Altra, et de courir avec, on verra comment ça se passe.
Le jour du Maratón de Málaga
Aujourd'hui je vais prendre le départ d'un Marathon, mais peu importe. Au delà de ça, je vais prendre une course avec mon pote et j'ai même bon espoir de terminer avec lui. C'était pas arrivé depuis mars 2019 lors de ma toute première course officielle qu'était le 10k de la Grande Course du Grand Paris. Absolument toutes les autres courses que j'ai entreprises avec lui se sont soldées par une blessure pour moi. Aujourd'hui on était à 2 jours de réitérer encore la même malédiction, mais non, je vais prendre ce départ et ça me procure sincèrement beaucoup de joie.
J'avais promis d'aller au bout avec lui et j'avais promis de lui faire réussir son objectif de 3h30 au Marathon quit à devenir le mec le plus casse couille de la planète pendant la course. Et c'est aussi pour ça que c'est important pour moi de prendre le départ; quand je dis quelque chose, je le fais.
Réveil un peu plus de 2h avant le départ, comme d'habitude. Cette fois ci il n'y a pas de Feed, mais il y a ce qu'il faut pour avoir la force de courir. Un détail cependant, je n'ai pas envie de faire caca. C'est marrant ça, je sais pas si c'est une bonne nouvelle ou pas. Je suis un peu pessimiste alors j'essaie de me dire que quand même, ça existe des jours où pendant toute la matinée je n'ai pas besoin d'aller aux toilettes ! ... Non ? et là vous voyez la quenelle arriver encore. Rien à faire, donc bon, c'est parti. On prend le bus direction la ligne de départ. Il y a des toilettes sur place, Rémy a besoin d'y aller, donc on fait la queue et je me dis que allez, avec un peu de chance je vais avoir envie d'un coup. Bien évidemment pas du tout, donc bon. Maintenant plus le choix, plus de retour en arrière, direction notre SAS de départ, on avisera si il y a un problème (oui il y en aura).
Les 5 premiers kilomètres
Je mets à peu près cette distance pour prendre mes marques et faire un premier point sur mes douleurs. Les bursites ne sont pas revenues, donc très bien. La périostite, petite douleur mais rien de dingo. Les mollets c'est ce qui fait le plus mal dès les premiers kilomètres je les sens. Les Altra ça reste des chaussures assez minimalistes avec 0 de drop, on est sensé faire une phase d'assimilation avec le 0 drop quand on est raisonnable pour pouvoir courir sans se blesser. On va dire que ma phase d'assimilation c'est un Marathon. Je suis pas sûr que ce soit la bonne manière de faire mais bon, on va pas revenir en arrière maintenant. Je me dis quand même que c'est un miracle si mes mollets vont au bout de la course.
kilomètre 6 à 15
C'est la période où mon corps va définir vraiment quelles vont être les douleurs qui vont s'atténuer et celles qui vont s'amplifier pour le reste de la course. Les mollets finalement, ça n'a pas empiré, la périostite a légèrement augmenté pour finalement arriver au niveau de la douleur des mollets. Donc j'ai ces deux douleurs au même niveau et ... vous allez rire mais ... J'ai un peu mal au bidou. Vraiment j'crois que les Marathons c'est pas fait pour moi ça me fait vraiment chier ces trucs. Alors je repense à l'apocalypse qu'était le Marathon de Lyon pour moi, et je me dis que c'était pire, pourtant j'ai réussi à tenir mentalement jusqu'au bout de la course. Ici il n'y a pas de toilettes publiques comme à Lyon donc ça va surement se jouer au mental, ça devrait le faire.
kilomètre 15 à 19
Bon je hiérarchise mes problèmes au fur et à mesure de la course, au départ c'était les mollets, ensuite plutôt la périostite qui augmentait, et là, c'est clairement le mal de bide et l'envie pressante d'aller aux toilettes qui est passé devant tout. Il faut trouver une solution. Rémy me dit, au pire tu vas dans un resto ? Je réfléchis. C'est compliqué. J'essaie de tenir. J'ai vraiment pas envie de m'arrêter. J'arrive au kilomètre 19, et la douleur commence à devenir vraiment insupportable. On est sur la route, une double deux voies qui longe le bord de mer. On prend cette route à l'aller, et au retour où on est à ce moment de la course. De l'autre côté, la route proche de la mer, il y a un restaurant. Je réfléchis une seconde et tant pis, je saute le terreplein centrale, et traverse la route. Dans ma tête je prépare mon meilleur Espagnol. J'ai besoin "Holà" pour être poli, et de "los baños" (les toilettes) et "por favor". Je débarque devant l'entrée du resto, "HOLÀ LOS BAÑOS POR FAVOR", on m'indique los baños et je tente de faire le plus vite possible. Mais on est sur un combat en 3 rounds là. Je peux pas arrêter au bout du 2ème c'est contre les règles, c'est pas fair play. Je regarde ma montre, 1 minute, 2 minutes, 3 minutes... C'est BEAUCOUP trop long, je remballe et je repars. Rémy est loin, 3 minutes d'avance sur un Marathon c'est beaucoup. J'essaie de calculer en combien de temps et surtout en combien de kilomètres je vais pouvoir le rattraper. on court à peu près à 4:45 au kilomètre et je me dis que ça va être difficile de le rattraper. Tant pis je fais le truc le plus déraisonnable, je me cadence à 3:45/kilomètre. Je suis là pour faire un Marathon avec mon pote, c'est pas pour passer la moitié en solo, plus vite je le rattrape, mieux c'est. J'ai dit que je serai là, alors je serai là. Le calcul est simple pour uniquement 3 minutes de toilettes, j'ai mis 3 kilomètres à le rattraper en courant à plus de 15km/h.
Jusqu'au kilomètre 38
Après cette épisode finalement habituel pour sur un Marathon, la suite se déroule presque normalement. Je suis soulagé et content finalement être sur cette course qui jusqu'à la dernière minute était incertaine. Je suis de bonne humeur, et je donne mon maximum pour qu'on soit tous les deux dans un bon état d'esprit de winners. Je fais des petites blagues qui à priori ne font rire que moi.
Bon, ensuite la retour à la réalité se fait ressentir. On est quand même sur un Marathon, ça fait quand même 4 semaines que j'ai pas couru, ça pouvait pas être la joie jusqu'à la fin. Au fur et à mesure, ma périostite va revenir. Et au fur et à mesure mes bursites aussi. Après le kilomètre 30, ça va devenir assez difficile au niveau de la douleur, mais j'ai toujours mon objectif que je ne lâcherai pas. La douleur de la périostite va même s'étendre jusqu'à la cheville et kilomètre 38, je suis forcé de m'arrêter. Je dis à Rémy de continuer et de focus l'objectif, on est au bout. Je ne sais pas trop ce que je peux faire, il reste 4 kilomètres, c'est évident que je vais finir mais c'est tellement dommage de pas finir à deux quand j'ai été jusqu'ici. Je me masse 40 secondes, et tant pis je repars. Je vois Rémy au loin, allez c'est pas comme si je l'avais déjà fait une fois, je me mets en tête de le rattraper. Cette fois ci, doucement, mais sûrement je le rattrape et finit par revenir à son niveau à sa plus grande surprise, pensant qu'il finirait solo. Mon réponse est sur la même ligne que ma motivation et et mon état d'esprit sur la course à pied. Je n'abandonne jamais.
Fin de la course
C'est finalement assez difficile, non pas à cause de la fatigue physique, mais à cause des douleurs qui reviennent, j'ai hâte de terminer. On est dans les temps, et à moins d'un gros pépin, les objectifs de temps seront respectés.
On passe dans les deux magnifiques dernières lignes droites du centre ville de Málaga, Rémy qui exprime sa joie à ses supporters surement à l'idée de remplir son objectif. Moi à ce moment là, je sui serein, j'ai accomplis mon objectif. On s'approche de la ligne, il reste 300 mètres et comme le veut la tradition chez Rémy, c'est le sprint sur la ligne. Je me plie à la règle même si c'est très con de sprinter avec ma jambe en vrac, mais bon, ça passe même si je me fait déposer légèrement sur la fin, c'est pas grave ça fait plaisir. Il terminera en 3h28'35" (3h28'37" pour moi).
Cette fois, pas d'explosion de joie, pas d'expression du bonheur de finir la course comme à mon habitude, pas de performance, mais quelque chose de plus profond. L'impression d'aller mieux, la joie intérieur d'avoir pu courir cette course même si j'ai relancé mes problèmes et le fait d'avoir été au bout de ce que j'avais promis de faire avec mon pote: courir en moins de 3h30 le Maratón de Malaga. Et c'est finalement encore mieux que d'exploser de joie quand je fais mes courses tout seul.
C'est maintenant l'heure de se remettre d'aplomb pour 2022, pour une fois, je ne suis presque pas blessé à la fin d'une année. J'ai toujours mes bursites même si avec les 5 fingers je peux continuer l'entrainement sans que ça me lance, mais hélas c'est toujours là. Je suis déjà inscrit à certaines courses, mais je temporises pour les autres, je mets tout en pause tant que mes bursites n'auront pas totalement disparues. Et une fois que ce sera le cas peut-être que pourrait m'inscrire et terminer une vrai SaintéLyon ? On y croit.