Météooooooo
Il pleuvait, un peu.
Les semaines avant la course
On est en septembre 2022, je sors de l'UT4M où j'ai eu super mal à la cheville et l'idée me vient en en tête que ce serait pas mal de tenter sa chance au tirage au sort de l'UTMB. Je suis encore en plein dans mes problèmes de cheville, mais j'arrive quand même à penser que j'aimerai bien faire l'UTMB, j'ai un vrai problème sérieusement. Les règles ont changées, et sans rentrer dans les détails, maintenant il faut faire des courses "brandées" UTMB pour pouvoir avoir des running stones (les "points" qui permettent de participer à l'UTMB). Plus on a de running stones, plus on a de chances de participer. Business is business faut croire et l'UTMB ne fait pas exception à la règle, c'est un bon business qui roule. Bref et donc du coup, je tombe sur l'unique course à laquelle je peux participer avant la fin de l'année qui n'est pas à l'autre bout du monde: la Nice Côte d'Azur by UTMB - 1ière édition. C'est plus fort que moi, je ne réfléchi pas beaucoup, je m'inscrit à la version 115km 5000 D+ (en théorie). C'est DÉBILE, mais je suis inscrit.
Les derniers jours avant la course
Je vais passer sur la galère que c'est d'aller et de revenir de Nice depuis Lyon, mais un conseil, quand on est logique (pas comme moi) on vérifie la logistique pour faire la course, ensuite si c'est jouable, on s'inscrit à la course et pas l'inverse. Bon moi je m'inscrit toujours en premier et je vois la logistique après. En tout cas, cette galère m'a mené à devoir prendre un bus retour à 7h le dimanche, sachant que le départ de la course est à 6h le samedi. Ça parait large, mais ça laisse 25h pour faire la course, arriver en un seul morceau, rentrer à l'appart (10min à pieds de l'arrivée sur la promenade des anglais), se doucher, se changer... et arriver à l'heure pour partir. La course est un peu plus longue que l'UT4M, mais a un peu moins de dénivelé sur le papier. J'ai mis 19h30 sur l'UT4M, en théorie ça devrait le faire, mais il faut pas qu'il y ai trop d'accrocs non plus.
En parlant d'accrocs, je me dis quand même quelques jours avant la course que ce serait pas mal de vérifier la météo. C'est quand même délirant, il fait beau avant, après mais par contre le samedi de la course, c'est pluie toute la journée. Les jours passent et je me dise que comme d'hab la météo peut se tromper qu'il pleuvra finalement que dimanche ou même vendredi. Et plus ça va, moins ça change. Pour être honnête j'avais décidé d'appréhender cette course un peu différemment, comme une grosse rando où je prends mon temps, j'apprécie le paysage. L'idée de la pluie toute la journée me fout un peu le cafard, surtout que le "kit grand froid" est activé, donc ça rend obligatoire plein de matériel en plus à porter dans le sac, bref chiant.
Le jour de la course
Réveil 3h du mat pour prendre le bus qui nous mène à Roubion où se trouve le départ. Il y a 1h de bus. C'est LONG 1h de bus. Pour le moment le temps est ok, et je garde encore l'espoir que ça ne soit pas si horrible et qu'il fasse un minimum sec. Le temps du voyage je vois la route et la montagne filer sur le coté et je me dis comme toujours: "ptin il va falloir revenir à pieds quoi". Là c'est pas la SaintéLyon tranquillou c'est le gros Mercantour bien technique.
On finit par arriver, il est 5h, j'ai un tout petit peu froid, un peu envie de faire caca (je crois, mais comme toutes les courses). Je laisse mon sac de délestage au cas où pour me changer au milieu du parcours. Je vois beaucoup de monde faire la course en duo ou avec des amis, moi je suis solo dans la night et la pluie commence à arriver avec des petites gouttes. Pas terrible. Le village est au courant de la course (faut dire 700 coureurs dans une bourgade dans la montagne ça se voit) et donc les cafés ont ouvert pour accueillir les coureurs. La pluie s'intensifie et on essaie de s'abriter soit dans le café, soit sous les parasols des terrasses avant le départ pour pas partir trempé.
Les ennuies commencent quand pour des raisons inconnues, le départ est retardé de 1h (donc à 7h). Pour rappel il fait nuit, il pleut à mort et ça caille. Le truc moins humain c'est quand on a tous entendu que on allait poireauter ici pendant encore 1h, et qu'on a commencé à s'asseoir sur les chaises sur la terrasse du café, on s'est fait jeter en nous demandant de rester debout parce que on avait rien commandé. SYMPA. Donc ben dans le froid, sous la pluie etttt debout. Je vous le dit sincèrement et c'est la première fois que ça me fait ça, mais à ce moment précis dans ma tête j'me suis dit mais bordel qu'est ce que je fous là. Je serait TELLEMENT mieux dans mon lit (je vous jure y penser une fois l'épreuve passée ça aide à mieux apprécier son lit et à bien dormir). Mais bon il est un peu tard pour faire marcher arrière, il va falloir assumer. En attendant 2 options pour éviter d'être debout et sous la pluie: l'église ou la grotte du village, au choix !
Le départ sera ENCORE décalé de de 15 minutes nous faisant partir à 7h15. J'ai donc rangé ma frontale, pris mon courage et je suis rentré dans le SAS de départ. Bien sûr, il pleut encore. Mentalement ça fait pas hyper plaisir.
La pluie s'est calmée un peu quelques minutes avant le top départ, mais ça ne sera que de courte durée. Let's go.
La course
Cette fois ci, ça ne va pas être un gros récit. Je n'étais pas très focus sur ce que j'allais raconter, sur les détails de la course, ou du paysage. Rien de tout ça n'était possible et ma concentration était plus sur encaisser du mieux que je pouvais cette épreuve hors norme qu'était cette course qui s'est avérée être plus une épreuve mentale qu'autre chose.
Déjà, on va commencer par un point assez crucial: la météo. Cette année a été particulièrement merdique en météo parce que j'ai passé pas mal de courses sous la flotte et celle là, c'est un peu la mère de toute les courses pluvieuses. Il a commencé à pleuvoir à 6h30. Ça ne s'est pas arrêté avant facile 18h. Et après 18h c'était pas non plus le soleil, c'était la nuit et de la pluie par intermittence. Donc il faut prendre ça en compte pour s'imaginer la galère que ça a été tout le long de la course.
Bon, le départ est lancé, ça commence tranquille en descente sur la route. Quelques singles pour couper les lacets qui descente de Roubion qui d'ailleurs créent instantanément un méga bouchon. Je me dis au passage, non pas que ce soit mon objectif mais que si j'avais eu pour ambition un top classement, ma position dans le SAS de départ aurait instantanément clôturé le débat. Avec des bouchons aussi importants dès le début de la course les coureurs partis au tout début prennent un avantage considérable et c'est dès le début je pense que les premières places se jouent. Bref de toute façon ce n'était pas l'objectif.
J'avance et au bout d'un moment les bouchons se décantent, et je peux reprendre un bon rythme. Je suis en pleine forme, je n'ai aucune douleur à la cheville, sincèrement je suis heureux. Je me prends une bouffée d'endorphines qui fait plaisir. En plus le terrain est peu technique, on alterne entre des villages et des chemins de terre tranquille. Seul bémol, le temps, même si je me suis fait une raison, c'est dommage de ne pas pouvoir profiter du paysage. Bref tout va pour le mieux et je me dis que là, c'est bien parti pour être à l'aise sur les timings, ça devrait durer moins longtemps que l'UT4M.
Mais
Mais bien sûr, cette euphorie ne dure pas et s'arrête net aux alentours du kilomètre 20. La cheville... ça flanche. Ça flanche sévère et c'est dommage, il reste 95 kilomètres. Donc là c'est une sorte d'effet domino du négatif qui s'enchaine. J'ai d'un coup mal à la cheville + la fatigue qui commence tranquillement à s'installer + le mental qui en prend un coup forcément, je me dis que ça va être long. Au même moment, le terrain jusqu'ici assez roulant se transforme en terrain maxi technique accentué par la boue. Vous prenez un chemin de terre/cailloux, vous ajoutez de l'eau ça donne un chemin de boue/cailloux glissant option chaussure avec semelle compensée de 5cm de terre bien lourde à chaque pied dont une cheville qui à chaque pas me fait souffrir: bienvenue dans mon calvaire et c'est que le début.
~35ième kilomètre
Je viens de me taper une maxi montée qui fait pas rire, on est à plus de 2000 mètres d'altitude et j'avance dans le brouillard, l'humidité. Ma veste "waterproof" est trempée moi aussi à l'intérieur bien sûr et j'ai ma a qui revient, ça faisait longtemps. Donc là ça participe à m'enfoncer encore un peu, vraiment pour le moment j'ai du mal à prendre du plaisir.
Malgré tout, je vais me trouver un lièvre dans la descente sur des petits sentiers qui mène au 3ième ravitaillement. J'ai à peu près stabilisé la cheville j'arrive à garder un rythme correct et pas trop souffrir. Jusqu'à un moment où je fais une classique: la maxi craaaaampe ! Il aura suffi d'une toute petite marche au milieu du sentier, de lever la jambe un tout petit peu plus haut et c'est le drame. Tout de suite, une illustration ✨ !
Bon suite à ça, je me retrouve à terre, vous connaissez l'histoire (pas aussi bien que moi, mais quand même). Tout le monde me double, me demande si ça va etc... Bon là dans ma tête je me dis ok donc la cheville, ça va pas. La bursite, ça va pas. 35ième kilomètre crampe à l'ischio je suis par terre dans la boue et je n'arrive pas à me relever. Il reste 80 kilomètres, tout va bien ! 🤩
L'abandon n'est pas une option, j'essai de rester positif et me dis que les crampes finissent toujours par passer. Je finis par réussir à me relever sans relancer la même crampe et reprends en trottinant au début, et finalement relativement vite j'arrive à reprendre une allure normale.
Jusqu'à la base vie (au kilomètre 65)
Je finis par arriver après ces péripéties au ravitaillement 3 (R3) au kilomètre 37. Je reste malgré tout focus sur ma course et apprenant de mes erreurs j'essaie de timer mon temps sur les ravitaillements. J'essaie de ne pas dépasser 8 minutes. Sur l'UT4M j'ai passé presque 2 heures sur les ravitaillements j'ai perdu beaucoup trop de temps, donc j'essaie de faire vite et me faire violence. Celui là se passe correctement, je mange un peu sans m'attarder et je repars. Prochain arrêt au kilomètre 53 pour le R4.
L'ultra trail c'est vraiment un sport étrange qui nous fait vivre des hauts et des bas tout le long de l'aventure. On le sait d'avance qu'il y aura des bas, on les sous estime avant la course même si on a conscience que ça va arriver. Quand ça arrive c'est un vrai bataille mentale, presque une épreuve dans l'épreuve à surmonter. On pense être au bout, on a envie d'arrêter, on se demande ce qu'on fout ici, pourquoi on fait ça, des fois on pleure, bref c'est difficile. Mais y'a aussi les hauts. Alors ils sont plus rare, mais quand ils arrivent, c'est comme une sorte d'alignement des planètes; tout va bien. C'est ce qui m'arrive aux alentours du kilomètre 45. On est à environ 7h30 de course il est presque 15h et la pluie s'arrête un peu, on entrevoit un rayon de soleil, le brouillard se dissipe aussi et permet d'admirer le Mercantour. C'est une grande descente et je me trouve un pote avec qui on va dérouler le dénivelé comme si c'était facile. Malgré la technicité on déroule en discutant tranquillement. Je me souviens d'avoir doublé un nombre incalculable de personne à ce moment là, d'avoir vraiment une super bonne allure. On se disait "oh bah à cette allure là, en 17/18h c'est plié !" et moi tout fringant: "Mais carrément !" et pendant facile 6/7 kilomètres on va descendre à donf en se racontant nos vie en esquivant d'autres coureurs qui galéraient dans la descente. Jusqu'à ce que je finisse par prendre le large et le perdre de vue et je me souviens m'être dit à ce moment là "p'tin y'a pas de doute c'est ça que j'aime faire, c'est ça qui me fait kiffer ce sport c'est vraiment pour moi". Bref vraiment ce passage ça a été le meilleur moment de la course celui où j'ai réellement pris un pur plaisir sans penser à rien d'autre.
Toujours à fond la caisse de cette longue descente j'arrive au R4 et d'un coup, boum ça retombe. Alors on part pas tout de suite au fond du trou mais je passe par la phase qu'on appellera "le retour sur terre". C'est bon l'euphorie est terminé et je fais l'état des lieux rapidos: J'ai bombardé comme un cochon dans la descente en croyant que c'est bon j'étais un dieu, j'ai les quadriceps en feu (imaginez quand même descendre non stop dans les cailloux pendant 8 kilomètres quand on en a déjà 40 dans les jambes, et qu'il en reste accessoirement un peu plus de 60) et je suis en début d'hypoglycémie. Donc je prends ma pause, j'ai 8 minutes je regarde un peu ce qu'on a d'intéressant à manger sur la table. Et là je vois qu'il y a un bol avec des Mars/Twix/Snikers... (des minis, donc la moitié d'un à peu près). J'me suis pas posé trop de questions j'ai du en dégommer 6/7 d'affilé comme un sauvage. Cette envie de sucre quand on commence à manquer c'est délirant. Quelques oranges, du coca etc... ça fait 8 minutes je repars.
La descente va continuer, suivie d'une petite montée jusqu'au R5 qui est une base vie. Pendant tout ce trajet (qui fait presque 12 kilomètres quand même), j'ai continué mon petit "retour sur terre", et il fait mal clairement. J'ai les jambes lourdes, j'ai les cuisses tétanisées et ça va empirer jusqu'à l'arrivée au R5. J'arrive sur place la démarche pas super assurée. J'en suis à un tel niveau de fatigue là que j'ai pas le choix, je dois abandonner les 8 minutes maxi de pause, même si ça fait chier. Je me fixe une limite quand même, je vais me donner 40 minutes. C'est énorme mais en l'état même à froid en écrivant ces lignes 6 mois plus tard, je n'avais pas le choix.
Il y a des repas chauds (des pâtes à l'eau et au sel), des RIZ AU LAIT, OUI ! Je rentre dans le grand gymnase qui est utilisé pour l'occasion. Je vais abuser un peu mais j'ai l'impression d'arriver aux arrières postes d'une tranchée en temps de guerre (oui l'abus est léger j'ai précisé). Je vois des gens par terre soit en train de dormir, soit en train de gémir. Je vois des infirmières en train de rafistoler des coureurs. Je me souviens d'un mais au bout de sa vie des ampoules j'ose même pas décrire. Il était avec l'infirmière qui était en train de lui faire je ne sais quoi pour calmer ses douleurs. Moi là dedans je ère à moitié, je ne sais pas trop quoi faire. J'ai la flemme de tout en fait. J'ai mon sac que j'ai laissé au départ de la course avec des affaires de rechange dispo. Donc en fait il faudrait que j'aille le récupérer, me changer, refaire mes pansements, ensuite manger etc... Ça parait tout con mais là je suis dans en état c'est un supplice. Ça va sans dire mais je suis absolument trempé de la tête aux pieds. Je finis par récupérer mon sac, parce que je ne pense pas avoir la force de repartir tout mouillé et froid (déjà que je tremble au départ de chaque ravitaillement parce que en 8 minute, trempé, je me refroidis direct). Je remets des affaires propres et ça fait un bien FOU. Je mange 2/3 trucs, je prends le temps de m'allonger un peu. Ça fait 40 minutes déjà (j'ai l'impression que ça fait 10 minuets), je repars au sec (c'est déjà ça). Il est aux alentours de 18h, je me dis qu'avec cette pause si longue j'ai du me faire laminer sur le classement. On verra. J'ai pas la méga forme pour être honnête même si ça va mieux qu'à l'arrivée au R5. J'ai 1000 mètres de D+ à enquiller direct à la sortie jusqu'au prochaine ravitaillement. Que de la montée. Ça fait 40 minutes que je me prépare mentalement pour ça. Au moins il s'est arrêté de pleuvoir, c'est toujours ça.
Le début de la nuit jusqu'a l'avant dernier ravitaillement
Je repars de la base vie, un peu reposé des 40 minutes, sans pour autant péter la forme. Il faut vraiment se faire une raison parce que là, direct c'est un bon gros "KV" (kilomètre vertical, 1000 mètres de dénivelé quoi) qui m'attend. Donc là ça ne va cesser de grimper pendant à peu près 8 kilomètres qui vont être assez long. Je me souviens dépasser à ce moment là des coureurs du 170 kilomètres partis la veille. Je suis dans un état de fatigue où je me dis que déjà, ils n'ont pas l'air maxi heureux les gars, des zombies, mais alors moi à leur place je me dis que j'aurai laissé tomber quoi. On les sents vides, moi j'ai pas la forme mais ça va encore j'avance, eux c'est vraiment rythme ralenti et il reste 50 kilomètres, et il ne sont pas au bout de leurs peines.
Bref, la course va prendre un petit ton monotone un bon moment, il va s'arrêter de pleuvoir non stop pour laisser place à un peu de pluie de temps en temps mais sans que ce soit le grosse pluie quoi. On entre doucement dans la nuit, et je me souviens être vraiment content d'arriver au bout de ce KV. C'est bon de se dire qu'on va enfin un peu descendre. Sauf que les descentes sont très très techniques et surtout dans la boue, où déjà beaucoup de coureurs sont passés, donc le chemin est labouré et c'est infernal et très fatiguant de marcher dedans. La descente à l'inverse de la montée qui était uniquement de la montée est entrecoupée de petites montées qui cassent un peu le rythme. Je suis à un moment dans la course où j'a un peu éteint le cerveau et juste j'avance. J'ai ma cheville qui me fait très très mal dans les descentes et j'ai vraiment un mal fou à vraiment accélérer et je perds beaucoup de temps.
Pendant tout le long de ces montées / descentes je me suis fait une copine de course où on gardait à peu près le même rythme et on discutait pour passer le temps. En vrai elle était un peu mon lièvre elle me poussait à courir dans les descentes pour la suivre. Elle arrivait généralement avant moi aux ravitaillements sur le chemin mais surtout elle restait moins longtemps. Moi je restais sur mes 8 minutes elle un peu moins. Elle me mettais vraiment une distance dans les montée où moi j'étais pas terrible mais je finissais toujours pas la rattraper à un moment ou un autre dans une descente.
Puis ont finit par arriver à cet avant dernier ravitaillement, le R8 si on reprend le profil de la course.
Et là, problème. Dans la publicité, c'était marqué 110km, 5000D+. Et là à ce fameux R8 quand je regarde ma montre technologique, je vois que je suis à 95 kilomètres et... 5300 de dénivelé. Et quand je regarde le profil de la course le vois un truc là...
un truc qui dit que y'a un mensonge quelque part. Soit c'est une illusion d'optique dû à la fatigue et en fait, ben j'ai déjà fait plus de 5000 de dénivelé donc là c'est plat jusqu'à la fin, soit en fait y'a pas trop vraiment 5000 de dénivelé en fait.
En fait, il me reste 600. putain. de. mètres. de. dénivelé. Et là je suis au ravitaillement, et le mood c'est à peu près:
Je rentre dans une sorte de déni, d'appel à l'aide. J'y crois pas. Sincèrement j'y crois pas c'est pas possible qu'il reste autant de dénivelé vraiment j'en peux plus. Il me reste un putain de bosse là avant la ligne d'arrivé j'ai vraiment plus envie là. Alors je regarde autour de moi, je demande aux gens du ravaitaillement "mais c'est une petite montée là ? Hein ? Ils se sont trompés il reste pas beaucoup ?" Et les visages un peu poker face des gens qui me répondent "heu non non, bon il reste un peu quoi, mais... ça va." En fait je cherche quelqu'un qui va me dire que ça va bien se passer qu'il reste rien. Bon, je vais finir par repartir de ce ravitaillement plus que dubitatif et on va pas tourner autour du pot on va dire les choses clairement: c'était HORRIBLE SA RACE. Des MURS de boue, ok ? Pas des colinettes un peu nullos, des putains de MURS où même en pleine pêche j'aurais galéré. Il est 1h du mat là et je vis mal le truc surtout que j'suis au milieu d'un groupe, donc on s'arrête pas quoi (on forme une ligne, on ne peut pas se dépasser et si je m'arrête, tout le monde s'arrête).
Je finis par y arriver et je crois que c'est la montée la plus difficile (forcément corrélé à mon état de fatigue) que j'ai jamais faite. J'arrive ENFIN au dernier ravitaillement, je suis exténué et à la fois je me sens libéré. Les montées, c'est terminé (vraiment cette fois), et il ne reste que presque que du bitume (donc du non technique) et 11 kilomètres. Je me souviens appeler Haruthai pour lui dire qu'il me reste une dizaine de kilomètres, je n'arrive presque plus à parler et je lui dis que je vais mettre une bonne heure facile.
Dernière ligne droite
Je repars du ravitaillement le coeur léger, j'ai beaucoup souffert mais je sais que j'arrive au bout et que le plus difficile est derrière moi. Je me souviens quand on discutais avec ma pote de course plus tot (que j'ai d'ailleurs perdu de vue avant la méga bosse) que je disais que quelque soit l'état de fatigue, si j'ai pas mal et que c'est plat, je cours et que même si là je galère avec notamment ma cheville, les 10 derniers kilomètres devraient bien se passer. Elle me disait que c'était plutôt l'inverse pour elle et que les 10 kilomètres de plat à la fin la fatiguait d'avance. Et j'ai l'impression bizarrement que c'est le cas de beaucoup de monde.
Sur cette descente jusqu'aux quais j'ai réussi à reprendre un rythme correct et je ramasse les morts. Beaucoup de gens au ralenti, beaucoup qui marchent alors que moi je me dis avec ma cheville en carton: p'tin c'est enfin le moment de courir sans avoir mal à chaque pas !
Plus ça va, plus ça accélère. Quand j'arrive sur les quais et que je vois la mer, là, c'est le rush d'adrénaline. Vraiment. Il reste 3 kilomètres et c'est incroyable le corps humain mais ça me met un coup de boost où j'ai l'impression d'aller super bien et de courir juste depuis 2/3h (il est 4h du mat, ça fait genre 21h que je cours). Y'a quelques escaliers et je les montes comme si de rien n'était en courant, je me rapproche de plus en plus. J'ai le coeur qui bat je suis comme un gosse là dans ma tête, c'est le moment qu'on attend tous au départ (des fois je me demande pourquoi je kiff autant ça, quand prendre le départ c'est juste pour finir le plus vite possible). Il reste moins de 1 kilomètre, je vois l'arche d'arrivée au loin. Là petite anecdote: je croise ma pote que j'avais perdu plus tôt qui n'en peut plus et finit la course en marchant, et je gratte une place du coup car comme prévu je ne m'arrête pas une seconde pour marcher sur ces 10 derniers kilomètres.
J'y suis, la dernière ligne droite au sens propre du terme. C'est tout droit, l'arche est à 150 mètres. J'ai les forces pour faire le "sprint" de fin (sprint parfaitement relative à mon état à ce moment là, mais dans ma tête j'allais à 20 / 25km heures, facile).
L'arrivée en images !
J'ai couru, il aura fallu seulement 10 minutes d'arrête après la course pour être raide comme un robot. J'ai rarement eu autant de difficulté à marcher, la redescende a été assez terrible !
Je suis arrivé donc en 21h30 (au passage les lasagnes végé d'arrivé à 4h30 du mat, un régal), et pile poil à l'heure pour rentrer et chopper le bus ! (j'arrivais 1h plus tard, c'était foutu)
J'arrive 116 / 704 je ne comprends pas comme je peux faire un classement si bien avec autant de problèmes. J'ai d'ailleurs eu la surprise de voir les stats en détail et je ne je suis jamais du départ jusqu'à l'arrivée redescendu dans le classement. À chaque pointage j'ai gagné des places au classement.
C'est à date la course la plus difficile que j'ai eu à faire, mais je ne perds pas espoir de la refaire un jour en étant moins dans la souffrance.