Il y a des jours avec et des jours sans.
Récit du week-end à Valloire lors du Trail du Galibier-Thabor. Haruthai, mon père et moi participions. J'étais sur le Trail du Galibier (52 kilomètres / 3350D+/-), eux sur le Trail des Aiguilles (23 kilomètres / 1426m D+/-) avec un départ 2h30 après moi, donc à 8h.
classement : 24/113 - terminé en 07h44
Les semaines avant la course.
Encore une fois je pars en étant pas au top, j’ai cette petite blessure sous le genou qui me gène plus qu’elle me fait mal. Je sens quand je fais une sortie, ça me fait de plus en plus mal. Ça fait 2 semaines que ça dure et malgré une pause de plusieurs jours une semaine avant le départ, ça revient. Le dernier entrainement est le jeudi (donc 3 jours avant le départ), je comptais faire mes 21 kilomètres habituels, plus pour me rassurer qu’autre chose, une sorte d’état des lieux. Je fais le tour des quais et j’arrête à 16 kilomètres parce que je sens que la douleur commence à augmenter et c’est pas maintenant qu’il faut forcer. L’état des lieux finalement s’avère moyennement concluent, j’ai toujours cette douleur, mais bon tous les endroits un peu sensibles des jambes comme les genoux, les tendons tout est ok, pas de douleur. Donc bon j’essaie de voir ce qui est positif, mais quand même je me dis que ça va être galère cette course.
Plus globalement à une semaine de la course je ne me sens pas très en forme et j’ai cette sensation que ça va être difficile. Avec le recul j’essaie de trouver les raisons de cet état de forme. J’ai fait un trip moto de 4 jours une semaine avant la course, 1200 kilomètres. Peut être pas la meilleure idée j’imagine. Ensuite l’alimentation. Sans avoir fait n’importe quoi, peut être focus les repas sur les sucres lents. À voir il faudrait peut être que je relise mon livre sur l’alimentation dans les courses d’endurance. Bon peu importe l’état de toute façon, on ne peut plus faire machine arrière, je prendrai le départ et j’aviserai.
Le jour de la course.
Levé 3h30, petit Feed comme d’hab 2h avant le départ. J’attends 1h, je me prépare et prends la direction de la ligne de départ. L’hôtel est à 1.5 kilomètre, donc ça laisse le temps de se chauffer tranquillement en trottinant. L’ambiance sur la ligne est assez calme ça change des courses où d’habitude c’est la folie, là on dirait que les gens viennent de se réveiller (c'est un peu le cas en réalité). Le speaker essaye de chauffer les coureurs mais quand même en précisant de ne pas faire trop de bruit parce que à 5h20, il fait nuit et les gens dorment. Cette fois je n’analyse pas les coureurs, il fait nuit tout le monde est à la frontale c’est difficile d’identifier quoi que ce soit. De toute façon je ne la sens pas cette course et on va dire que la course où je me suis donné c’était la 6000D, celle là finalement on va vraiment la faire tranquille. Je ne sais pas trop pourquoi je ne la sens pas. Je pense qu’une grosse partie de mes doutes vient des 3300 de D+/-, c’est quelque-chose que je n’ai jamais fait. Je me souviens quand même à la fin de la 6000D comme j’étais après 2000 de D+/- et 42 kilomètres: rincé ! J’me disais que si il fallait encore courir 10 kilomètres de plus ce serait vraiment long et difficile. Là il faudra encore faire 1300 D+ supplémentaire et 10km de plus. Bon bref c’est l’inconnu quoi.
5h30 pétante sans grandes fioritures, le départ est lancé. Je me place milieu de peloton, tranquille. La frontale allumée je m’élance. Dès le début dans Valloire, je me maintiens juste à ma place, je ne tente rien, ne dépasse personne. Très vite on attaque la montagne dans la forêt et donc le D+. À l’inverse de la 6000D, je me fais dépasser beaucoup dans la montée au début. Je vois un mec carrément courir à fond dans la montée et dépasser tout le monde. Je me dis quand même qu'il faut que je retienne cette personne, parce que selon toute vraisemblance, à cette vitesse il ne peut pas tenir toute la course. Je pense que 95% des gens ont des bâtons, cette fois, il n’y a aucune fierté de ne pas en avoir. Dès les 3/4 premiers kilomètres, je le sens, je confirme je ne suis vraiment pas au top. Je n’arrive pas à relancer et aussi très révélateurs, je trébuche énormément dans des racines ou des cailloux. J’ai l’impression de ne pas arriver à lever assez haut la jambe. Mais bon, on sait jamais des fois il me faut 7/8 kilomètres pour enfin me sentir bien et accélérer.
7ème kilomètre, premier ravitaillement, toujours pas bien mais toujours la foi alors comme d’habitude je ne m’attarde pas. 1 verre d’eau, 2 quartiers d’orange et je file. Le soleil commence à se lever je ne vais pas tarder à éteindre ma frontale. Je quitte la forêt et arrive finalement dans la montagne. C’est assez particulier c’est simplement magnifique il n’y a plus d’arbres dû à l’altitude j’imagine et ça donne des énormes plaines toutes vertes et j’essaie de voir le côté positif et profiter du paysage. Petit à petit j’ai l’impression que mon énergie baisse et donc plus ça va plus j’abandonne le fait de vraiment me donner. Dans ma tête je me dis qu’il y a simplement des jours avec et des jours sans. Aujourd’hui c’est un jour sans, ça arrive. Alors perdu pour perdu je commence à prendre des photos, au moins j’aurai des souvenirs du paysage !
15ème kilomètre j’arrive au 2ème ravitaillement. Franchement je suis au fond. C’est terminé dans ma tête. Je reste déterminé à terminer la course parce-que je me suis promis que quoi qu’il arrive plus jamais je n’abandonnerai une course (sauf maxi blessure quoi). Alors au ravitaillement, c’est terminé de se presser. Je sors mon gobelet de la 6000D et je demande un bon coca. Ensuite j’enquille sur des tucs, ensuite un petit quartier d’orange, puis allez un bout de saucisson ! Là t’as un bénévole qui me regarde et qui me sort « Ahhhh ben ça fait plaisir enfin de voir quelqu’un qui mange sur les ravitaillements ! » Ça me fait sourire même si au fond la raison pour laquelle je prends le temps est un peu triste. Je termine par un bon bout de fromage et je pars en marchant pépère. Après ce ravitaillement c’est tellement clair et net pour moi que plus rien ne compte. Je vois les gens me dépasser, repartir du ravitaillement en courant, ça me fait un tout petit peu mal au coeur, mais je fais abstraction. Habituellement je ne sors pas le téléphone de mon sac, et ne répond pas aux messages parce que je suis dans ma course. Là je prends le temps de répondre aux gens, faire une petite story Instagram parce que je suis so connected. J’envoie un message à Haruthai pour que tout le monde soit au clair: « Depuis le début j'y arrive pas. Vous allez m'attendre, longtemps peut être ». C’est dit, les gens sont au courant. Maintenant retour à la course. Je termine mon bout de fromage et quand même je repars en trottinant faut pas déconner. Vraiment je me force à essayer de voir le côté positif et me dire Guillaume, profite du paysage et fais toi plaisir. Mais quand même l’autre partie de moi même qui se dit j’me sens comme une merde. J’arbore fièrement mon t-shirt de finisher de la 6000D et j’me dis quelle blague, j’suis vraiment pas au niveau que je veux faire croire que je suis. En parlant de 6000D, putain mon gobelet…. Je me rend compte que j’ai oublié mon gobelet de la 6000D au ravitaillement. J’hésite à revenir en arrière carrément, j’ai fait 500m. Je réfléchis 5 secondes. Ok c’est un gobelet qui vaut 10 centimes mais j’y tenais un peu c’était un souvenir d’une belle course. Mais bon, certes j’ai un peu abandonné la course au fond de moi, mais quand même il y a des limites à la connerie. J’ai pas abandonné au point de revenir en arrière, y’a un minimum de respect quand même. Tant pis, c’est qu’un gobelet après tout.
Je vais continuer ma traversée du désert pendant encore les 15 prochains kilomètres, ça continue de beaucoup monter. À la sortie du 2ème ravitaillement on doit être qu’à 1000 de D+, il en reste encore 2300. Le soleil commence à taper et j’en chie pas mal dans les montées. J’me fais littéralement laminer par les coureurs avec des bâtons dans les montées. Je me dis que pour la prochaine, il faudra peut être que j’arrête de faire le malin, et prendre des bâtons comme tout le monde. Globalement, le terrain est vraiment technique, c’est souvent soit des tout petits chemins creusés dans la terre où il est difficile de mettre un pied devant l’autre, ou alors des champs de pierres. J’ai l’impression de marcher même quand c’est plat, c’est difficile mentalement. Dans les descentes où normalement j’arrive à gérer, là j’y vais à deux à l’heure. À chaque pas, j'ai le muscle du cul qui me fait mal. J’arrête pas de me répéter qu'il faudrait vraiment qu’on m’explique comment je peux avoir des courbatures au cul. Mais après réflexion, c’est bon, m’expliquez pas. J’ai pas envie de savoir. Je suis pas mal seul et je vois une fille (qu'on appellera Micheline pour la suite du récit) qui petit à petit me rattrape, et inévitablement me dépasse. Elle a l’air forte, j’essaie de tenir la cadence on arrive dans une descente mais bon elle me distance assez rapidement, je suis de nouveau seul.
22ème kilomètre et 3ème ravitaillement, au moment où j’arrive Micheline, qui était devant moi part. Tant pis, j’arrive tout sourire, petite ravitaillement, petit plaisir. J’ai l’impression que c’est l’apéro, je tape des tucs et du saucisson dans tous les sens. Je prends même le temps de discuter avec les bénévoles. Apéro quoi. Au moment où je repars, je ne vois même plus Micheline devant moi, je repars seul tranquillement. Je vais enchaîner suite à ça 3/4 kilomètre sur un terrain relativement plat, légèrement ascendant par moment. Je suis toujours tranquille, mais je commence à aller légèrement mieux. Au bout d’un moment, encore une fois un coureur finit par me rattraper. Père de famille athlétique (on l'appellera Michel...), il a l’air cool. J’essaie de tenir la distance un peu, c’est mon lièvre pendant quelque temps. Au bout d’un moment on se fait rediriger par un bénévole qui nous dit qu’il faut couper à travers le champs, et ensuite traverser derrière la pierre au loin. Pas hyper clair le truc. On se dirige vers là, lui quelques mètres devant moi. Effectivement ma montre sur laquelle j'ai la trace GPS de la course m’avait indiqué que j’étais hors parcours au moment où le bénévole nous a redirigé. On se dirige approximativement vers là où il nous indique jusqu’à un chemin qui va continuer un moment avec aucune indication. Le long du parcours on suivait des points oranges peints sur des pierres de façon évidente, là plus rien pendant un moment. Mon nouveau copain Michel se retourne et me demande: “J’ai l’impression qu’on est pas sur la bonne route, t’es sûr que c’est là ?” Je regarde ma montre, lui dit que à priori on est pile poil sur le tracé. Et à partir de là on discute un peu. On va attaquer ensuite une longue descente de 4 kilomètres avant d’attaquer la dernière grosse montée. Je me motive à nouveau et me met dans ses pas. J’arrive à tenir la distance, c’est pas mal !
J’arrive au kilomètre 30, ravitaillement liquide uniquement, cette fois ci je ne tarde pas. Je sais qu’en haut de la montée, un ravitaillement complet m’attend, alors je prends le strict nécéssaire et ne surcharge pas mon sac. Je vais mieux. Je retrouve de façon inattendu le feeling. Je sais que à partir de là c’est une montée infâme sur presque 6 kilomètres et 1000 de D+, je me motive, je prends un petit gel « coup de fouet » et c’est parti. Comme j’ai pas traîné au ravitaillement, je suis passé devant Michel, occupé à dire bonjour à ses enfants qui ont participé à la course justement pour les enfants juste avant et qui viennent maintenant encourager leur père. Dans ma tête, petite excès de confiance je me dis que peut être je peux tenir la distance. Allez c’est parti pour la montée. Il y a absolument aucun chemin, c’est un champs d’herbe avec des pierres posées dessus. Les mains sur les cuisses, un pas après l’autre j’enchaine les mètres de D+. Bon je me fais vite fait calmer et un petit retour à la réalité m’est imposé. Mon ami Michel me rattrape à grandes enjambées avec ses bâtons. Je me fais également plier par 2/3 personnes derrière également en bâtons. Encore une fois, je me dis que c’est terminé de jouer le beau sans bâtons. Mais c’est pas grave, je continue à un bon rythme comparé au début. Je finis à mon étonnement par rattraper Micheline qui m’avait dépassé 5/6 kilomètres auparavant. Je lui demande si ça va, elle me répond qu’elle n'a plus de jus. C’est là où j’ai du mal à comprendre mon corps, elle qui était au top il y a encore pas si longtemps, commence à être au bout alors que moi je vais de mieux en mieux. Bref je la dépasse. Je finis également par rattraper le mec qui allait à fond au début qui vraisemblablement est complètement cuit. Ça me rassure de voir qu’il y a des fois une certaine logique dans la course.
La montée continue et j'ai l’impression ça ne se termine jamais. Je vais clairement mieux, mais physiquement c’est très dur. En plus avec l’altitude, ça aide pas. J’ai des flashback du Mont Blanc et j’me dis que c’est encore plus difficile. Je sais pas si j’étais vraiment lucide à ce moment mais bon au moins au Mont Blanc j’avais des bâtons. Plus on s’approche de la fin de la montée, mieux je vais paradoxalement. Je monte de plus en plus vite et incroyable mais vrai je commence à rattraper un groupe de coureurs, tous en bâtons. Je grimpe, je grime j’ai envie d’arriver en haut j’en ai marre. Au bout d’un moment mes jambes n’en peuvent plus. Il me faut une technique. Je tente d’abord les petits pas. Bon c’est bien mais pas top. Ensuite comme au Mont Blanc, je tente les pas sur le côté. Mais en fait ça c’est bien en alpinisme en trail c’est pas dingue. Ensuite il me vient l’idée du siècle. Je rigole l’idée la plus ridicule mais rien à foutre, je pose mes mains par terre, et vas-y que j’enquille la montée à 4 pattes tel un labrador des montagnes. Je rattrape et dépasse le groupe devant mois. Ils hallucinent un peu, je les regarde: “ouai ben toutes les techniques sont bonnes à prendre !”. Maintenant moi aussi j’ai des bâtons. Mes putains de bras et bah oui en vrai ça aide ! Bon après on va se calmer je fais ça quelques mètres ensuite ça me gonfle et ça abime mes petits bras fragiles, mais en fait ça suffit à garder le rythme et reposer les jambes. Quand je me relève de ma technique du clébard montagnard, mes jambes vont mieux et je peux relancer plus fort et tant pis si je passe pour un guignolos. Je finirai la montée avec cette fameuse technique, et comme par hasard un photographe espiègle attendait tout en haut pour immortaliser ça. Tout en style, je vous le dis dans quelques années tous les plus grands trailer sont à 4 pattes dans les montées.
J’arrive en haut, la libération c’était tellement difficile. La vue est magnifique je culmine à 2672 mètres, c’est beau, c’est grand ! Je descend la petite pente qui m’emmène au ravitaillement. Très honnêtement, j’ai fait le goret. Même si j’étais dans ma tête reparti comme en 40, cette fois j’ai pas pu m’empêcher après la montée. J’ai tout pris je crois. Encore du saucisson, des tucs, des oranges, de la bananes etc j’ai pris de TOUT. Et je suis même parti avec une tranche de fromage et une banane que j’ai mangé en partant. J’ai même pas réussi à terminé le morceau de fromage tellement je me suis gavé. Michel qui était arrivé avant moi au ravitaillement lui est parti il n’y a pas si longtemps, et Micheline, elle m’est carrément repassé devant tellement j’ai confondu le ravitaillement avec une terrasse sur les quais de Lyon. C’est pas grave je les vois au loin, mes 2 nouveaux potes sont tous les deux au même niveau et je les vois à 300 mètres plus bas. Si je m’active, je devrait réussir à les rattraper et si je peux rester avec eux jusqu’à la fin c’est bien.
Après ce ravitaillement donc, on enchaine sur la descente qui va nous ramener jusqu’à l’arrivée à Valloire. Grosso modo la montée c’est terminé il en restera quelques très légères mais à partir de là, c’est soit du plat, soit de la descente. Très rapidement je finis par rattraper mes 2 copains un peu plus bas, et je me cale tranquillement derrière Micheline, Michel lui est devant et impose son rythme. À priori ça va à tout le monde, je maintiens la position et je déroule. Par moment on repasse devant Michel, des fois il nous repasse devant. Micheline me propose à un moment de passer parce que je lui colle au derrière et c’est vrai que ça doit mettre la pression d’avoir toujours quelqu’un derrière. Je décline l’allure est confortable. On restera à 3 pendant 3/4 kilomètres de descente sur des petits chemins. Puis à un moment la route s’élargie. Et j’ai une sorte de déclic de malade, je fais l’état des lieux: j’ai eu peur de choper des crampes tout le long du parcours, j’ai rien eu. Ma blessure qui me fait flipper depuis 2 semaines je ne l’ai senti que très légèrement au début, mais là plus rien. Le dos, au top j’ai aucune douleur. Et je me pose la question, mais qu’est ce que je branle en fait ? Je suis dans ma zone de confort là je reste bien tranquillement derrière Micheline. Allez on arrête les conneries. J’ai mis mon clignotant imaginaire, j’ai pris la file de gauche j’ai dit mentalement au revoir à mes 2 potes, et j’ai juste bombardé sans jamais m’arrêter. En 2 minutes, ils sont loin. Je rattrape peu à peu des gens devant moi, aucun n’a mon rythme ils sont tous à bout. Moi j’ai l’impression que je viens de commencer la course. J’enchaine entre 5 et 4:30 au kilomètre (entre 12 et 14km/h) à grandes enjambées. Je manque de me bouffer 2 fois en mettant un grand coup de pied gauche dans un rocher, 2 fois sur le même doigt de pied, je me suis éclaté et j’étais vraiment à deux doigts de faire un câlin aux cailloux par terre, mais je me rattrape en appuis de tous le poids de mon corps sur le quadriceps. Je ne comprends pas comment je ne chope pas une énorme crampe après tous ces kilomètres, peut être une sorte de système de préservation du corps qui évite la crampe pour m'empêcher de laisser mes dents dans les rochers. Bref tant mieux, j'ai quand même eu un petit warning. La sensation qu'une crampe est bientôt là, qu'il faut arrêter les conneries et que je commence à vraiment lever mes jambes, depuis le début je trébuche c'est horrible. J'ai également réellement l'impression que mon doigt de pied saigne tellement j'ai mal, mais il est bien trop tard pour chouiner là, une chose à faire: foncer et ne rien lâcher, il ne reste que 7 kilomètres, c'est même pas deux tour du parc de la Tête d'Or.
Petit à petit on sort de la montagne, et on commence à récupérer des petits chemins de terre, le terrain devient de moins en moins technique. Parfait, ça me permet de garder le rythme. A environ 4/5 kilomètre j'avais totalement oublié, je tombe sur un ravitaillement. Ça me dit quelque chose et très vite je me rend compte que c'est le 2ème ravitaillement du début. En fait il était positionné à une croisée des chemins qui fait que c'était à la fois le 2ème et le dernier ravitaillement. Je n'ai besoin de rien, mais forcement, je demande : Vous auriez pas vu un magnifique gobelet avec marqué 6000D dessus ? Et là la réponse inattendu: “Ah bah si bien sûr, on l'a trouvé par terre ce matin !” et bah j'ai récupéré mon gobelet ! Oui j'ai l'air heureux de récupérer un gobelet mais en fait ça m'a juste fait trop plaisir de le retrouver, j'avais fait le deuil pendant la course. Bref du coup pas le temps de niaiser, je repars. J'en profite pour dépasser encore une ou deux personnes. Depuis que j'ai accéléré j'ai du passer devant 8 personnes.
Les derniers kilomètres, il s'est passé cette fois ci une réelle guerre avec un coureur qui était devant moi. Cette fois ci c'était pas juste dans ma tête. On est à 3/4 kilomètres de l'arrivée, et je le vois au loin. On est sur du plat, il court encore. Mais il m'a vu au loin. J'ai vu qu'il m'a vu. En gros, je sais qu'il sait que je sais. En un regard, en gardant la poker face, la bataille commence.
Dans un premier temps, comme d'habitude il me parait trop loin pour que je puisse le rattraper, il a l'air d'en avoir encore sous le pied, il n'avance pas au ralenti. Puis au fur et à mesure je me rapproche. Pas après pas, mètre après mètre. Et plus vite qu'il n'y parait j'arrive tout proche de lui au point de l'entendre respirer. Là j'imagine une sorte de pression qu'il doit avoir de m'entendre me rapprocher au fur et à mesure. Puis vient le moment, il est temps que je passe devant. Et au moment même où j'arrive à son niveau, il explose et se met à marcher en me disant un "j'en peux plus plus je suis à bout". Là je me dis, tout fier, j'ai gagné. Je lui répond: "allez courage, il reste que 3 kilomètres". Juste à ce moment là, une petite montée. Le genre de montée que même si elle est petite, tu la prends en marchant, parce que c'est la fin de la course et t'en a plein les jambes. Mais là il y a une vrai part de mental dans les courses. Et des fois, il suffit d'y croire pour y arriver, ou de ne plus y croire pour abandonner. Alors c'est simple, un peu fourbe, mais je prends la montée en courant pour lui envoyer le message implicite: “mec, toi t'es au bout, moi il m'en reste alors cherche pas à revenir”. Parce que même si ça va plutôt bien, j'en ai aussi plein les jambes et si je peux m'assurer une fin de course tranquille, ça me va bien. Donc je continue comme ça, sans rien lâcher pendant plusieurs minutes. Jusqu'à un moment où dans ma tête la course est terminée. Et je me mets à ralentir suite à une nouvelle montée. Je commence à sentir les crampes arriver sur les cuisses. Je n'ai pas envie de m'écrouler encore par terre de douleur. Je me retourne: pas l'ombre d'un coureur au loin. Je joue la carte de la sécurité et je ne force pas. Il est trop tard pour gratter des places donc autant finir tranquillement.
Il me reste moins de 1 kilomètre, à peine. Je suis là, tout paisible, et d'un coup j'entends quelqu'un arriver en bombe derrière moi, mais genre vraiment à fond en gros rush dans la descente au point de me coller au cul. C'est mon adversaire des derniers kilomètres qui s'est réveillé, qui d'un coup s'est rendu compte qu'il lui en restait encore dans les jambes ou alors juste trop hypé par l'idée d'arriver et le shot d'adrénaline qui va avec. En tout cas à ce moment en 5 secondes, je passe consécutivement par 3 états. J'ai l'impression que le temps se ralentit.
2 premières secondes, la résignation: “Bon, c'était bien tenté, belle bataille, tant pis c'est qu'une seule place au classement, bien joué pour lui, même si ça fait chier”.
2 secondes d'après, l'énervement: “Non mais en fait ça fait vraiment chier quoi, c'est quoi ces conneries là je vais vraiment abandonner la bataille là alors qu'il me reste genre 600 mètres ? Parce que j'ai peur d'avoir des crampes ?”
Dernière secondes, la rage de vaincre: “Mais en fait, c'est MOOOOORRRRRRTTTT jamais je le laisse passer ! C'est impossible là, rien à foutre si il y a des crampes, juste GOOOOOOOO !”
À partir de là je bombarde. Je fais les derniers 500 mètres aux alentours de 3:50/km (plus de 15 km/h) à fond dans la descente, je dépasse un mec j'imaginais même pas qu'il y avait encore des gens devant moi. Plus rien ne compte, plus rien à foutre je fonce. Je commence à entendre le speaker en bas sur les hauts parleurs qui accueil les coureurs sur la ligne d'arrivée. Ça sent la bonne ambiance, l'ambiance de fin de course que j'adore. Ce moment quand on commence à sentir l'arrivée c'est vraiment un pur moment de bonheur, trop content d'arriver, trop content d'avoir réussi la course, j'adore. Il me reste 200 mètres même pas, dernier virage, je le prends. Je vois enfin l'arche d'arrive, je grille une coureuse dans ce virage juste avant l'arrivée, et je fonce au maximum. J'arrive en hurlant comme d'hab, tout le monde me regarde genre mais c'est qui ce tocard ? Mais est ce que j'en ai quelque chose à foutre ? Bien sûr que non je suis trop content. J'ai finalement réussi cette course, j'me dans dans ma tête "ALORS ILS SONT OÙ LES BATONS LAAAAA" genre trop fier d'avoir finalement fini en forme, sans bâtons et devant des gens qui me dépassaient allègrement dans les montées. Après c'est ce que je me disais sur le coup, là à froid, la prochaine j'aurais des bâtons, j'ai retenu la leçon.
Je passe la ligne, je ne connais même pas mon classement, mais en vrai j'en ai pas grand chose à faire, je suis juste content de ce que j'ai fait finalement. J'apprends ensuite que je suis 24ème. Et c'est là tout le paradoxe parce que je suis à la fois super content, 24ème c'est pas si mal, mais je suis aussi déçu parce que pendant 30 kilomètres c'était la grosse traversée du désert et j'aurai vraiment pu mieux faire si... Mais comme je dis avec des si on coupe du bois. C'est fait et finalement la déception est largement éclipsée par la joie. Je sais que je peux faire mieux et ça me laisse l'idée en tête que je suis loin d'avoir atteint un cap et que j'ai encore une bonne marge de progression et ça me motive d'autant plus.
On a en plus terminé en beauté avec le repas d'arrivée, une bonne choucroute (selon moi, mais j'ai ouï dire que c'était une potée savoyarde) et pour une fois, c'était un événement où il y avait des massages sans qu'il n'y ai trop de monde et donc une queue de dingue pour en profiter. (Le Run In Lyon par exemple on est sur 30 000 coureurs, faut faire un temps très très correct pour avoir droit aux massages sans poireauter 50 ans). J'ai donc pris mon petit créneau de « massage » qui a duré bien 30 minutes. Je mets des guillemets à massage parce que j'ai juste hurlé en fait hein voilà c'était un peu le piège à con cette histoire. Une « masseuse » spécialisée dans la récup sportive, qui m'a détendu les muscles à sa façon, à grand coups de coudes bien là où ça fait mal. J'ai eu les explications scientifiques de pourquoi j'avais des courbatures au cul. Voilà. Je suis ressorti de là avec plus de douleurs qu'avant, mais bon je devrais mieux récupérer. J'imagine...
Je suis très content également de pouvoir enchainer sans blessure, ça c'est quelque chose qui m'a mis beaucoup le doute. Je n'ai eu ni mal au dos, ni mal au genou, rien. La dernière SaintéLyon je me disais que c'était pas possible que je puisse faire des longues distances avec du dénivelé sans avoir mal au dos, que ça faisait parti du trail et des douleurs qu'il faut supporter, finalement ça ne semble pas être le cas et c'est plutôt une très bonne chose.
Bonus, mon père et Haruthai qui ont terminé leur course aussi en temps et en heure, sans bobo.
03:46:03 pour Haruthai et 04:30:30 pour mon père.
Donc voilà, en conclusion finalement beaucoup de positif encore dans cette course. Encore beaucoup d'expérience de gagnée qui comme d'hab vont me permettre de faire toujours mieux les prochaines fois. J'attendais de cette course surtout une confirmation que la revanche était envisageable, et c'est bien sûr un gros oui. Il y a aura revanche car je me suis officiellement inscrit à la SaintéLyon. La vrai cette fois, la nuit, dans le froid, sous la pluie, dans la boue, dans la neige et le vent enfin tout ce qui caractérise une SaintéLyon. Cette fois, ça va pas rigoler.
La suite des événements jusqu'à la fin de l'année va être plus tranquille en trail, l'idée ça va être de tranquillement se préparer la SaintéLyon.
- 12 septembre: semi Marathon de Chartres (pour rigoler)
- 3 octobre: Marathon de Lyon (pour s'entrainer)
- 27 novembre: SaintéLyon (pour performer)
- 12 décembre: Marathon de Malaga (pour récupérer)
De quoi bien s'occuper tous les derniers mois de l'année sans pour autant trop charger la mule et surtout de quoi finir l'année en beauté en visitant Malaga en participant au Marathon. Ce sera vraiment une course 100% plaisir sans pression.
Pour ceux qui aiment les débriefs de course, ce sera surement le dernier avant décembre où je devrais vous raconter les péripéties de la doyenne des courses nature en France, parce que il y aura forcément des péripéties. Avec un peu de chance ça se fera sous la neige !
Probablement pas de débrief pour les semi et Marathons à moins qu'il se passe vraiment un truc fou mais j'y crois pas trop.
Merci d'avoir lu, si vous avez lu jusqu'au bout (merci même si vous avez lu 2 lignes, ça fait toujours plaisir !). Comme d'hab merci aux organisateurs du Trail du Galibier-Thabor qui comme d'hab ont été trop cool.