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Ultra Marin - raid 100k (abandon 58ième)

Bon, qu’est ce qu’il s’est passé ?

Très honnêtement, c’est encore un peu flou pour moi. J’ai des pistes mais j’ignore encore les réelles raisons de ma déroute, je vais reprendre depuis le début.

J’ai commencé les entrainements « longs » après la SaintéLyon où j’en avais un peu chié quand même soyons réaliste. Je courrais souvent, mais des distances entre 10 et 15 kilomètres. Pour parler en distances qui me parlent un peu plus à l’instar de Jean-Claude Convenant qui exprime la richesse en nombre de Xantia, moi j’aime bien exprimer la distance en nombre de tours du parc de la Tête d’Or. Avant la SaintéLyon c’était souvent entre 2 et 3 tours de la Tête d'Or. Après, c’était pas moins de 5 (sauf réelle contrainte de type couvre feu par exemple) ce qui équivaut à 21 kilomètres avec l’aller/retour depuis chez moi. J’aime bien cette distance, symboliquement faire des semi je trouve ça assez cool. Bref j’ai donc décidé de ralentir la vitesse et augmenter la distance pour être plus à l’aise sur les courses longues… (logique non ?) Oui, sur un trail long, on va moins vite mais plus longtemps. J’ai tenté de me caler sur un rythme de 3 à 4 semi par semaine + des randonnées certains week ends et franchement ça allait bien, je me sentais de plus en plus à l’aise avec de moins en moins de micro traumatismes dans les jambes à la fin. C’était presque devenu anodin de faire un semi et ça me confortait dans l’idée que j’avais bien orienté ma préparation à l’Ultra Marin. J’ai même fait un Marathon, donc pour être précis 10.5 tours de la tête d’or en distance, 1 mois avant la course, que j’avais débrief également. Je me souviens très bien de l’état dans lequel je me trouvais à la fin du Marathon à Tête d’Or. Pas frais, clairement, les jambes qui commencent à être lourdes, mais quand même la pêche. Je me souviens m’être dit « ça va quand même pas être facile ce 100 kilomètres ». J’ai fortement ralenti la course 15j avant le départ, je n’ai pas refait de semi après le 15 juin, histoire de vraiment laisser reposer mon corps. J’ai juste fait 2/3 sorties d’une dizaine de kilomètres ainsi qu’une randonnée sur 2 jours une semaine avant le départ. Je pense que mon erreur vient du fait que j’ai presque totalement arrêté la course 15 jours avant le départ. Je pense que mon corps s’est déshabitué à courir et que c’est une erreur (pour moi du moins, on réagit tous différemment) de stopper l’entraînement aussi longtemps avant une course.


Le jour du départ

Dans ma tête je suis concentré, je suis chaud, je suis prêt en gros. Aucune douleur, un temps impeccable, 20 degrés, peu de vent, pas de gros soleil qui tape le cerveau, non tout est parfait pour une longue ballade le long du littoral du Golfe du Morbihan (une partie aussi cette année sur la côte Atlantique). Alors le départ est donné il est 15h05, je suis confiant, c’est parti.

On commence directement par des bords de plage, ça sent bon la mer, l’écume c’est magnifique ce paysage, ces bateaux échoués qui de mes yeux de citadins Lyonnais paraissent échoués, la réalité (j’imagine ?) c’est qu’il attendent la marée haute, mais j’aime bien m’imaginer qu’ils le sont, ça donne un côté un peu sauvage au paysage, on est à des kilomètres de la Côte d’Azure, et en fait, ça fait plaisir.

J’ai la chance contrairement à la SaintéLyon où j’ai grosso modo passé 9h30 à courir seul, d’être encouragé par plein de monde tout le long du parcours, j’ai encore plus de chance d’avoir mon père et ma femme qui sont là pour m’encourager ça fait plaisir de les voir le long du chemin. J’arrive au 10ème kilomètre, une formalité. J’arrive au 20ème kilomètre, ça va tranquille. Hélas on va s’arrêter là sur les excès de confiance. À partir de 25 kilomètres, je commence à avoir mes premières crampes. Tout de suite c’est la panique dans ma tête. Comment ça j’ai des crampes au si tôt ? Attends je fais un Marathon j’ai 0 crampe tout va bien, la SaintéLyon j’ai eu tellement de problèmes mais aucune crampe alors que j’avais du dénivelé, à la fin je courrais les escaliers de la Mulatière tranquillement. Qu’est ce qui m’arrive ? Je continue tant bien que mal mais je dois y aller au mental. Encore une fois ce n’est pas normal. Je m’attendais à commencer à être dans cet état aux alentours du kilomètre 50/60, là ça arrive vers le 30ème. En plus de ça, vers le 35ème, je commence à avoir une douleur au genou gauche (au moins c’est pas tendineux, on prend tout le positif qu’on peut), je suis obligé de marcher de temps en temps parce que ça me lance trop. Je continue comme ça jusqu’au ravitaillement au 42ème kilomètre. Je suis dévasté. J’ai envie de chialer, dans ma tête je suis pathétique j’ai même pas réussi à parcourir la distance 10.5 tours de Tête d’Or (42 kilomètre pour ceux qui suivent et qui lisent jusque là) sans marcher alors que ça ne m’est jamais arrivé auparavant. Et le pire dans tout ça, c’est que je ne comprends pas pourquoi. Mon cerveau est bizarre, quand il cherche une raison, une logique et qu’il n’en trouve pas, il s’énerve. C’est irrationnel mais incontrôlable.

Le ravitaillement où je suis arrivé est une « base vie » il y a à manger, à boire et surtout des kinés. Perdu pour perdu je tente de faire une bonne pause, et d’aller voir les kinés donc. Je suis pris immédiatement en charge j’ai le droit à un massage à l’arnica sur les mollets et les cuisses, des étirements, un craquage du dos. Je repars du ravitaillement, ça va un peu mieux. Ça va mieux, mais ça reste difficile pendant 5/7 kilomètres et ensuite j’ai une sorte de second souffle, ça va mieux ! Enfin mieux c’est un bien grand mot mais les crampes sont passées, j’ai les jambes moins lourdes. C’est pas non plus la panacée mais je commence à entrevoir potentiellement de finir. Sauf que même si ça allait mieux après le ravitaillement, mon genou est de retour pour me calmer. Ça empire, je cours 3 minutes, ça me lance au point de boiter, ensuite je marche, ça va mieux, je me remets à courir et ça revient et ainsi de suite. Bon là dans ma tête ça va de nouveau moins bien, j’arrive au 58ème Amm et mon père sont là. Je fais une pause et je réfléchis. Mes sentiments sont composés d’une base de tristesse, avec une bonne grosse couche de déception et un petit topping de rage. Je décide d’abandonner. Pour des bonnes raisons et des mauvaises raisons. La bonne raison c’est forcément mon genou. J’ai peur de me forcer à finir et regretter plus tard d’avoir tellement voulu aller au bout que ma blessure perdure des mois. C’est ce qui m’est arrivé au Lyon Urbain Trail. J’ai du composer avec le syndrome de l’essuie glace (TFL pour les intimes) pendant 1 an et demi c’était un enfer. Je ne veux plus jamais ça. Alors je me dis qu’il vaut mieux arrêter là. Par contre la mauvaise raison de l’abandon, c’est que en vrai, je sais que je peux terminer la course. Je sais que je peux marcher encore 40 kilomètres, parce que marcher ne me fait pas mal. Je pourrai surement trouver la force de courir un peu, et marcher beaucoup, et finir sans aggraver ma blessure. Sauf que à la base j’avais prévu d’arriver aux alentours de 1h du matin, là ça me faisait arriver à je sais pas, peut être 3h du matin ? 4h ? J’avais même pas envie de calculer, mais dans ma tête, faire ce trail, pour finir à 4h du mat, ça n’avait pas de sens. Avec le recul quelle mentalité à la con. Le lendemain j’étais aux alentours de 10h40 à l’arrivée à Vannes après avoir déposé mon père au départ de sa course et je voyais des gens passer la ligne du 100km, il avaient mis presque 20h, et ils étaient super heureux de passer la ligne et vraiment à ce moment là j’me suis vraiment dit que j’étais un pure connard et que j’avais pas compris le principe même d’un trail quand j’ai abandonné. Ils ont mis 20h mais ils ont passé la ligne. Moi ? J’ai abandonné au 58ème après seulement 6h30 de course et je suis au fond. La morale est tellement évidente que je ne vais même pas en parler. Mais une chose est sûre. Ça me servira de leçon et ça ne m’arrivera plus. Jamais.

J’ai continué à bouffer ma haine encore quelques heures, et j’ai commencé à me calmer quand je suis parti encourager mon père sur sa course (la Ronde des Douaniers - 34 kilomètres). N’étant pas géolocalisé en temps réel c’était assez difficile de le voir à ses passages, du coup en estimant à peu près les kilomètres au doigt mouillé, je désigne un endroit sur le tracé. On galère à y aller, je finis par trouver une place, je me gare. J’arrive à l’endroits où les coureurs passent. Kilomètre 13, il est déjà passé depuis longtemps… bon du coup je cherche un autre endroit, on y va. Kilomètre 26, il ne sera pas là avant 1h. Bon c’est pas grave on profite de l’ambiance, il y a du monde on encourage les coureurs c’est cool aussi d’être de l’autre côté on voit que les coureurs apprécient. Mon père arrive, dans un bon état, des crampes aux mollets quand même, je m’improvise kiné, j’étire ses jambes, un massage aux mollets et c’est reparti. Il finira en temps et en heure comme prévu, 4h.

Ensuite arrive la course de Amm (le Trail - 58 kilomètres), départ à 17h, la météo annonce de la pluie, ça va être difficile. Entre temps, mon genou va mieux (encore une fois j’ai du mal à comprendre mon corps) on la suit sur la carte (elle est géolocalisée) et tout a l’air d’aller pour le mieux jusqu’au 20ème kilomètre où nous l’attendons. Elle arrive en courant mais me dit qu’elle commence à avoir des crampes. C’est reparti pour les étirements, le massage etc… mais il lui reste encore les 2/3 de la course - 38km, 9.5 tours de Tête d’Or. Je me dis que ça va être mentalement difficile, la nuit va tomber, la pluie risque d’arriver. De mon côté, je me dis qu’on est à peu près au niveau de là où j’ai abandonné 1 jour plus tôt. Le parcours du 58 kilomètre passe sur le même parcours que le 100km, mon genou va mieux. Bon. Ce qui se passe dans ma tête est assez évident, j’enfile mes chaussures, mon sac de trail ni une ni deux je suis parti pour 40 kilomètres de course. À deux, on est plus fort et à deux, c’est plus sympa aussi. Niveau éthique, c'est discutable: je vais courir une course où je ne suis pas inscrit. La difficulté d’une course solo réside aussi dans le fait d’être… solo. Techniquement c’est une aide tout le long du parcours, et c’est pas trop autorisé, mais c’est assumé et sans regrets. On est pas là pour faire une perf, on est là pour passer la ligne coute que coute, peu importe la douleur, peu importe l’heure. On y arrivera. Il est 19h20, nous voilà parti. J’ai la super forme tout le long du parcours, et j’en profite pour encourager tout le monde, on croise les guerriers du Grand Raid sur le même chemin, mais juste avec 120 kilomètres dans les jambes (le Grand Raid fait 177 kilomètres et ils sont parti la veille à 19h). Du côté de Amm ça va moyen, elle a des crampes, et a mal au ventre. Ça va s’empirer tout le long du parcours, on va entrecouper le reste du tracé par des séquences de marches et de course. Je lui donne le tempo, elle a juste à se focus sur la course. On a presque l’impression de se retrouver en randonné on passe comme d’habitude par des paysages magnifiques, on le droit à un presque couché de soleil. Oui en Bretagne il n’y a pas de soleil, que des nuages, mais la lumière diminue et on arrive à se douter que derrière les nuages, le soleil de couche. Ça reste très beau et ça donne une ambiance super apaisée que j’adore et on profite de ce moment.

Puis vers 23h, il fait nuit noir. On passe de paysage apaisé à passages glauques, parfois sur la plage où c’est toujours sympa, mais parfois dans des villages où on y voit rien on dirait presque que c’est abandonné, des forêts retentissant de cris d’animaux que je n’arrive pas à identifier.

il nous reste à ce moment là 2h30 de course à se partager une frontale pour deux, c’est ce moment où il faut tout donner pour motiver Amm qui n’en finit pas d’avoir mal au ventre. Même 2 jours après l’événement (au moment où j'écris l'article) c’est déjà épic dans ma tête la façon dont on a galéré et j’ai envie de le refaire.

La libération arrive quand on commence à voir les endroits où on est allé encourager mon père plus tôt dans la journée, puis quand on arrive enfin au début du port de Vannes. Là c’est concret, ils nous reste la ligne droite du port, au bout on fait demi tour et c’est la ligne ! À partir de là c’est l’adrénaline qui prend le dessus, il reste 1 ou 2 kilomètres, Amm se met à courir et ne s’arrêtera plus jusqu’à la fin, tête baissée. Dans la souffrance elle passera la ligne. Tout ce qu’on retiendra dans cette phrase c’est « elle passera la ligne » parce que c’est ça qui importe, c’est ça qui rend fier, c’est ça qui libère l’endorphine peu importe le temps.

De mon côté je passe également la ligne, non officiellement mais je me dis quand même que j’aurai au moins parcouru presque l’intégralité du parcours de 100 kilomètre, mais en deux jours quoi… Puis j’ai même plus mal au genou…

C’était un week-end fort en émotion mais surtout fort en enrichissement sur la façon de préparer un trail et de l’appréhender, sur ce qui importe vraiment. Personnellement je reviendrai, plus fort à n’en pas douter j’ai pas dit mon dernier mot. Je vais intensifier mon entrainement et on reviendra sur un trail le 22 aout, légèrement moins difficile mais qui reste quand même costaud: le trail du Galibier Thabor. Je serai sur le 52km et ses 3350 de D+/-. Amm et mon père sur le 23km et 1426 de D+/-. J’ai envie de faire une course en montagne pour trancher complètement avec l’Ultra Marin. J’ai envie de gros dénivelé et de gros cailloux partout et ça me semble bien répondre à mes envies. Je compte participer avec un état d’esprit qui est tout autre, aucune prise de tête j’y vais l’esprit serein avec aucun autre but que de prendre du plaisir de voir du paysage. J’invite d’ailleurs un maximum de monde à nous rejoindre ! Ce sera potentiellement le dernier trail de l’année, cette fin d’année étant réservée au Marathon de Lyon en octobre et au Marathon de Malaga en décembre. Je mets un point d’interrogation sur la SaintéLyon car elle se déroule 2 semaines avant le Marathon de Malaga. On verra suivant la forme…

Merci à ceux qui ont lu, merci aux organisateurs de l’Ultra Marin Raid Golfe du Morbihan si ils lisent ça (j’y crois 0). Merci aux Bretons pour leur gentillesse. C’est franchement incroyable la mentalité là bas ça change de Lyon j’ai vraiment adoré. Mais surtout merci encore pour vos messages d’encouragement via FB/Insta/Telegram/Signal… J’ai pas donné de nouvelles de suite parce que j’étais mentalement pas là mais ça m’a vraiment fait plaisir. Merci à coach Rémy, même si je ne répondais pas, je lisais tes messages pendant la course.